Le terme scientifique pour une drogue est "un psychotrope".
L'effet d'un psychotrope est d'agir sur le fonctionnement du
cerveau.
Le cerveau est capable de faire un grand nombre de choses :
dormir, être excité, avoir du plaisir, avoir des angoisses,
ressentir les choses que les cinq sens lui transmettent, avoir
des souvenirs, penser à des choses, revoir des souvenirs,
rêver, reconnaître des formes et des structures...
Le rôle d'un psychotrope est de déclencher ces choses
artificiellement. Ou de les empêcher.
Le cerveau est capable de dormir. Et bien il
existe une famille de psychotropes, que l'on appelle les
somnifères, dont l'effet est de mettre le cerveau en état de
sommeil. En général, on ne peut pas dormir "sur commande". Il
faut attendre le soir... Mais si on prend un somnifère, une
demi-heure après on est en train de dormir. L'effet du
somnifère peut être tellement fort qu'on est impossible à
réveiller. S'il est administré en piqûre intraveineuse ou en
inhalation, le somnifère peut agir en quelques secondes.
Les anxiolytiques sont des psychotropes qui empêchent le
mécanisme de l'angoisse dans le cerveau. Les psychiatres les
prescrivent à des personnes qui ont de fortes angoisses.
Les antidouleurs sont des psychotropes qui empêchent le cerveau
de ressentir de la douleur. Ils bloquent le mécanisme de la
douleur. Les antidouleurs les plus
utilisés, en vente libre, sont l'acide acétylsalicylique (aspirine)
et le paracétamol (molécule proche de l'acide acétylsalicylique).
Ils sont utilisés pour des maux de tête, des douleurs musculaires...
Ils ont un effet curatif parce qu'ils ont également la propriété de
favoriser la circulation du sang. (Attention : même s'ils sont en
vente libre et donc supposés sans danger, une surconsommation de ces
deux produits peut entraîner des lésions internes graves voir la mort.)
Les opiacés sont toute une gamme d'antidouleurs :
codéine (antidouleur léger en vente libre), morphine (antidouleur
puissant couramment utilisé en milieu hospitalier) et héroïne
(en principe interdit mais utilisé en milieu
hospitalier pour les cas extrêmes).
L'héroïne est l'antidouleur le plus performant. Non
seulement elle efface les douleurs physiques les plus abominables
(par exemple les douleurs causées par un cancer ou des brûlures
graves, qu'aucun autre antidouleur n'arrive à calmer), elle
efface également les douleurs mentales : remords, tracas,
angoisses, culpabilité...
Les hallucinogènes sont des psychotropes très intéressants. Ils
modifient ce que le cerveau voit, entend, sent, sa perception
de la taille des choses, du temps... Par exemple : notre
cerveau dispose d'un ensemble de neurones dont la fonction est de se
rendre compte et de gérer le fait qu'un objet s'allonge. Si, en
temps normal, on regarde un objet inanimé comme une brique, ces
neurones ne seront pas stimulés. La conscience percevra que
cette brique ne s'allonge pas. Par contre si on regarde un
élastique sur lequel quelqu'un tire, ces neurones seront
stimulés. Ils transmettront le message "L'objet est en train de
s'allonger !" La conscience percevra donc que l'élastique est
en train de s'allonger. Mais si on prend du LSD, ces neurones
vont être mis en fonctionnement intempestivement. Ils
fonctionneront, même si on est en train de regarder la brique.
On aura donc l'impression que la brique est en train de
s'allonger ! Tout le système de perception va être "détraqué",
que ce soit pour la perception visuelle, auditive, le temps, le
fait de se rendre compte qu'il y a des choses derrière ce que
nous observons, la remontée de souvenirs... Un bon
hallucinogène fait même voir et vivre des choses "sur base de
rien", simplement parce que le cerveau est techniquement
capable de se rendre compte que ces choses arrivent. On peut
avoir l'impression de voler, de tomber, de nager... Si tous les
centres de perception sont détraqués en même temps, on peut
par exemple avoir l'impression de nager dans de l'air qui est
en train de s'étirer. Il peut aussi y avoir une confusion entre
les sens : on peut entendre des couleurs et voir des sons.
Comme les hallucinogènes peuvent faire découvrir des choses à
une personne, sur la façon dont son cerveau travaille et sur la
façon dont elle peut percevoir le Monde, ils sont un outil
initiatique intéressant. Beaucoup de tribus et de groupes les
utilisent à cette fin. Ils font prendre une dose
d'hallucinogène aux jeunes, lors des rites d'initiation.
Certains artistes considèrent que l'expérience qu'ils ont vécue
en prenant une fois un hallucinogène leur a appris beaucoup de
choses. Ils peuvent permettre à des personnes qui ont un niveau
spirituel encore faible de vivre certaines expériences avec
plus de profondeur et d'intensité. Les hallucinogènes peuvent
aussi être très dangereux : un automobiliste qui a l'impression
que la voiture devant lui freine brusquement, une personne en
haut d'une falaise qui a l'impression qu'elle peut voler, une
personne terrorisée par les monstres qu'elle voit sortir du
sol... tous risquent des accidents graves. Ils ne faut prendre un
hallucinogène que sous la protection rapprochée de personnes fiables et
initiées (même si on est fiable et initié soi-même) (les personnes qui
ne suivent pas cette règle ne sont donc ni fiables ni initiées).
Un champignon de la famille des amanites contient un psychotrope
qui met le cerveau en situation de combat. En cas de
menace grave le cerveau peut se mettre dans un mode accéléré :
les réflexes seront beaucoup plus rapides, la conscience se
focalisera sur toutes les menaces qui entourent la personne. On
voit le monde autour de soi bouger très lentement, on devient
beaucoup plus rapide. Les soldats de métier connaissent bien
cet état. Ils savent s'y préparer avant chaque bataille. Ce
psychotrope extrait du champignon semble à priori très
intéressant. Les gaulois l'ont utilisé. L'armée américaine a
fait des recherches pour essayer de l'utiliser pour
déclencher le mode de combat chez les soldats. Mais ils ont
abandonné l'idée. Ils ont fait quelques essais, dont la
conclusion a été la suivante : ce n'est pas une bonne idée d'en
donner aux soldats inexpérimentés, parce qu'ils risquent de se
mettre à faire n'importe quoi. Ils ne sont pas à la hauteur.
Quant aux professionnels, ils n'en ont pas besoin. Ils
trouvent même que ce produit les dérange, que cela diminue
leurs performances.
La caféine, les amphétamines, la cocaïne... sont des psychotropes qui
stimulent l'activité du cerveau. Ils rendent actif, font en
sorte que l'on perçoit mieux ce qui se passe.
(L'héroïne et la cocaïne sont des psychotropes qui de prime
abord ont une action opposée : l'héroïne calme alors que la
cocaïne excite. Mais ils ont en commun une caractéristique
essentielle : ils agissent sur
les centres de l'approbation. Ils engendrent des sensations de
plaisir et un sentiment de bien-être. Du fait de leur
importance de cette caractéristique, un chapitre entier leur
est consacré plus loin dans ce texte.)
Les neuroleptiques font tout simplement cesser l'activité du
cerveau. Une personne qui a pris une forte dose de
neuroleptique ne peut plus poser aucun acte, ne peut plus
réfléchir, ne sait plus qui elle est.
La kétamine fait
cesser l'activité des neurones qui amènent aux cerveau les
informations de l'extérieur. On ne voit plus rien, on n'entend
plus rien, on ne sent plus rien, mais on reste
éveillé. Alors le cerveau se met à
générer lui-même des images, des sons, des sensations. On peut
"voir" n'importe quoi : des personnes qu'on a connues, des
paysages, Dieu...
En général, l'effet d'un psychotrope finit toujours par
cesser, ou diminuer. Cela peut prendre quelques minutes ou
quelques heures. Il y a à cela plusieurs raisons, très
différentes :
Certains produits sont détruits au moment où ils produisent
leur effet. Donc quand toutes les molécules du produit ont fait
leur travail, il n'en reste plus dans l'organisme. Il n'y a
plus d'effet.
Certains produits sont évacués par l'urine, la respiration
ou la transpiration. C'est le travail des reins, des poumons ou
de la peau. Quand tout le produit a été évacué... il n'y a plus
d'effet.
Le foie et d'autres organes vont travailler à éliminer le
produit. Les molécules du produit vont être cassées en
morceaux. Ces morceaux ne produisent pas d'effet et sont
éliminés, ou utilisés pour les fonctions normales de
l'organisme.
Le cerveau va compenser l'effet du produit. Le produit est
toujours là, mais le cerveau réussit à contrebalancer ses
effets. On ne ressent donc plus rien.
Certains produits mettent très longtemps à être éliminés. Leur
effet peut durer des années ! En restant bloquées dans le
cerveau, les molécules d'opiacés causent l'effet inverse de
leur effet initial : le consommateur ressentira des
douleurs physiques et morales. Un traitement médical peut permettre de
forcer le cerveau à éliminer les molécules d'opiacé "bloquées"
dans le cerveau.
Parfois l'effet ne cessera jamais, tout simplement parce que
le produit a détruit des choses dans le cerveau. C'est par
exemple le cas des molécules d'héroïne artificielle produite
par des étudiants en chimie : les destructions qu'elles ont
occasionnées dans le cerveau leur ont donné une maladie de
parkinson dont ils ne pourront pas guérir.
Beaucoup de psychotropes déforment la personnalité si on les
prend régulièrement pendant de longues périodes. Probablement
surtout si les
effets continuent pendant qu'on est en train de dormir. Le
cerveau a sa perception du monde faussée par les effets du
produit. Il va donc "s'adapter", se changer au fil du temps,
dans un sens qui répond aux perceptions que lui donnent les
effets du psychotropes. A cause de cela certaines personnes
deviennent asociales, paranoïaques, prostrées... S'ils
arrêtent de prendre du produit il leur faudra plusieurs années
pour que le cerveau se "recâble" d'une façon plus naturelle.
Un cas très intéressant est celui de beaucoup d'héroïnomanes.
Ce sont des mythomanes achevés. Au fil du temps ils se persuadent
de ce qu'ils veulent croire à un point extrême. Ils sont réellement
convaincus de ce qu'ils vous disent. L'héroïne a permis une
modification à la racine de leurs souvenirs. L'héroïne
n'attaque pas directement les neurones qui
gardent les souvenirs. Mais l'héroïnomane vit dans les rêves
délirants que lui procure l'héroïne et
son cerveau finit par enregistrer ces rêves comme étant la
réalité. Le jugement des centres du souvenir est faussé par
l'héroïne.
Un cas pernicieux est par exemple celui du LSD, qui peut se
stocker dans les graisses de l'organisme. Un jour, sans
qu'on s'y attende, les cellules de graisse libèrent le LSD
qu'elles avaient stocké... C'est une loterie : cela peut arriver ou ne
pas arriver. C'est pour cette raison que
l'administration américaine part du principe qu'un homme qui a
consommé plusieurs fois du LSD doit être considérée comme fou.
A tout moment du LSD peut se libérer dans son organisme et lui
faire faire n'importe quoi. Toute personne se destinant à une
carrière importante doit éviter le LSD, parce qu'il est parfois
possible de détecter la prise de LSD plusieurs années après.
(Ceci est également vrai pour l'héroïne.)
Un détail technique, qui a son importance : des psychotropes
qui ont les mêmes effets peuvent en réalité agir sur des
parties totalement différentes du cerveau.
Certains antidouleurs vont bloquer les signaux de douleurs
avant qu'ils n'atteignent le cerveau. D'autres ne vont pas
bloquer la douleur, mais vont empêcher le cerveau de s'en
rendre compte...
Les benzodiazépines sont des somnifères qui agissent d'une
façon tout à fait différente des opiacés. Ils ont été largement
adoptés parce qu'ils n'avaient pas les effets secondaires des
opiacés.
La plupart des produits cumulent plusieurs effets
psychotropes différents :
La morphine est un antidouleur, un anxiolytique, un somnifère
et un stimulant des centres du plaisir.
Les THC, contenus dans le cannabis, sont hallucinogènes
et anxiolytiques.
La cocaïne est un puissant insensibilisant et un
vasoconstricteur quand elle touche une partie du corps. Mais
elle est un stimulant, un anxiolytique et un stimulant des
centres du bien-être quand elle touche le cerveau.
La raison pour laquelle un produit semble avoir plusieurs
effets n'est pas toujours directement liée à ses effets directs
sur le cerveau. Par exemple une personne qui a pris un peu
d'alcool ou de morphine peut devenir très active. Ces deux
produits ne sont pourtant pas des stimulants. L'explication
est sans doute que cette personne a des blocages, elle est angoissée.
Quand elle est libérée de ses blocages par le produit,
désinhibée, elle se découvre la possibilité de faire des tas de
choses. Elle est libérée de ses contraintes
Certains psychotropes ont des effets secondaires comme le
manque. Après l'effet du produit, le cerveau va ressentir
l'effet contraire. C'est le contrecoup. Par
exemple, un peu après que l'effet de certains anxiolytiques se
soit estompé, la personne va ressentir de fortes angoisses.
C'est pour cette raison que l'on donne instruction aux
personnes qui prennent ces produits de les prendre en continu
et d'arrêter graduellement. L'héroïne procure un plaisir et un
bien-être intense. Quand l'effet cesse, l'héroïnomane ressent
de très fortes douleurs et vit des angoisses abominables. Cet
enfer peut être tellement horrible que certains en meurent.
Pour éviter de vivre cela l'héroïnomane est obligé d'en
reprendre dès que les effets de la prise précédente commencent
à s'estomper. S'il ne prend pas de nouvelle dose, il lui
faudra plusieurs jours pour revenir à un état normal. Pendant
tout ce temps il souffrira énormément. C'est ce qu'on
appelle "le manque physique". Beaucoup de toxicomanes
endurcis ne ressentent plus aucun plaisir quand ils prennent
de la drogue, ils la consomment uniquement pour éviter le
manque, pour ne pas crever de douleur et d'angoisse.
(Le manque physique de l'héroïne apparaît dès la première dose et
s'estompe en quelques jours. Avec l'alcool, c'est exactement
l'inverse : il faut plusieurs mois de consommation d'alcool
pour que le manque physique apparaisse, mais alors on le garde
à vie.)
Le café et la cocaïne stimulent l'activité du cerveau. Ils
le poussent à fond, lui font utiliser toutes ses réserves de
molécules neurotransmetteurs. Après un certain temps, ou
quand l'effet du produit cesse, le cerveau ne dispose plus
de neurotransmetteurs. Alors l'activité cérébrale de la
personne s'effondre, comme si elle avait pris un
neuroleptique. Beaucoup d'étudiants en ont fait les frais :
ils boivent un paquet de café sur la nuit afin de finir
d'étudier un gros examen. Ils connaissent bien leur
matière. Mais ils arrivent devant le professeur au
moment où l'effet du café cesse. Ils sont comme hébétés, ne
savent pas quoi répondre aux questions du professeur. Ce
n'est que quelques heures plus tard, quand le cerveau a
reconstitué ses réserves de neurotransmetteur et reprend
son activité normale, que l'étudiant se met à pouvoir
répondre de façon limpide et précise aux questions qui lui
avaient été posées... mais c'est trop tard. Ce phénomène
explique aussi pourquoi les consommateurs de cocaïne
passent pour être de grands paranos : quand l'effet
s'estompe, le bien-être fait place à son contraire : des
angoisses, des peurs, un sentiment d'insécurité,
un délire de persécution. En même
temps, le cerveau est dans un état de non-fonctionnement,
incapable de mettre une idée devant l'autre, de se
raisonner. La réaction normale d'un humain quand il se sent
menacé et qu'il n'arrive pas à gérer la situation, c'est la
colère. Il se fâche, il explose, il attaque.
L'accoutumance est le fait que le cerveau devient moins sensible
au produit. Il s'habitue. Il faut lui administrer des doses
plus fortes pour obtenir le même effet. Il y a à cela plusieurs
raisons possibles :
Le cerveau ou d'autres organes mettent en
place des défenses pour atténuer ou même empêcher complètement
les effets du produit. Ou pour l'éliminer plus rapidement de
l'organisme.
Le produit détruit ou insensibilise les zones du cerveau
sur lesquelles il agit. Il s'empêche ainsi lui-même d'avoir de
l'effet.
Le produit agit sur certains récepteurs chimiques des neurones.
Le produit sature ces récepteurs, il les occupe. Les neurones ont donc
l'impression de manquer de récepteurs. Ils se mettent à en fabriquer de
nouveaux. Ainsi la surface des neurones se couvre d'un plus grand
nombre de récepteurs. Donc, pour stimuler tous ces récepteurs, il
faudra une plus grande quantité de produit. (Réciproquement cela a un
effet sur l'intensité du manque : quand ces nombreux récepteurs se
trouvent privés de leur stimulant, l'effet du manque sera d'autant plus
fort qu'il y avait un grand nombre de récepteurs. Ce développement
anarchique de récepteurs est un grave problème pour le drogué. S'il
arrête la consommation de son psychotrope pendant un temps suffisant,
une partie de ces récepteurs se mettront en sommeil. Le drogué pourra
donc reprendre une vie plus normale. Mais ces récepteurs sont toujours
là. Si le drogué reprend du produit, la première prise peut avoir un
effet assez fort. Mais les récepteurs vont se réveiller bien vite. Le
drogué reviendra donc très rapidement dans sa situation de toxicomanie,
avec une forte accoutumance et un manque important. Tous ses
récepteurs, rapidement rouverts, crient famine. Cette trop grande
quantité de récepteurs est un handicap définitif pour le drogué,
acquis. Quoiqu'il semblerait qu'après plusieurs années ils puissent se
résorber et disparaître.)
Les conséquences de la prise inconsidérée de psychotropes sont
nombreuses et très variées :
Des personnes en bonne santé font une crise cardiaque parce
qu'elles font des efforts en ayant pris de la cocaïne. Ce pour
plusieurs
raisons, qui se cumulent :
Comme elles
se sentent très bien, elles ne ressentent pas la fatigue qui
leur signale qu'il est temps d'arrêter.
La cocaïne est un excitant. Elle pousse à se dépenser,
à courir plus vite et plus loin. Donc à faire travailler le
coeur plus fort.
La cocaïne est un vasoconstricteur. Elle fait se resserrer
les vaisseaux sanguins. Le coeur doit donc pomper plus
fort pour faire circuler le sang.
La cocaïne masque la soif. La personne peut donc
travailler ou faire du sport longtemps sans se rendre compte
qu'elle devrait boire. La déshydratation rend le sang plus
épais, plus difficile à faire circuler. Le coeur doit pour cela aussi
pomper plus fort pour compenser.
L'alcool est à l'origine d'un très grand nombre d'accidents
de la route. Beaucoup de psychotropes peuvent entraîner des
accidents ménagers. Même la cigarette, mais pas à cause de ses
effets : si on n'est pas très prudent elle peut causer des
incendies.
Les consommateurs d'extasy se retrouvent au bout de
quelques temps avec des reins détruits et une colonne vertébrale
fragilisée.
Des personnes sont brûlées au troisième degré parce
qu'elles ont pris de la morphine ou de l'héroïne. Ce sont de
puissants antidouleurs qui peuvent même empêcher de sentir
qu'un flamme vous lèche le corps.
Quelqu'un qui se nourrit bien et qui consomme des quantités
raisonnable d'héroïne de bonne qualité n'aura aucun dégât
physique, même après quelques années. Les graves problèmes
liés à la consommation d'héroïne sont des effets pervers. A
cause du produit certaines personnes se négligent : elles
mangent mal, ne vont pas chez le dentiste... au bout d'un an
ou deux elles sont maigres, leur peau est comme du parchemin,
elles ont déjà perdu quelques dents. Certains dealers coupent
leur héroïne avec des produits comme de la strychnine ou de la
mort-au-rat. Les effets de l'héroïne sur le mental de gros
consommateurs est dévastateur : ils deviennent des prédateurs à
la recherche de leur dose, totalement coupés des autres êtres
humains.
L'héroïne, la cocaïne et le LSD peuvent être pris par
piqûre. En se prêtant leurs seringues entre eux, beaucoup de
toxicomanes ont attrapé des maladies graves comme le SIDA et
l'hépatite B. Certains groupes de toxicomanes considèrent
carrément que se passer la même seringue de l'un à l'autre fait
partie du rite. Cela augmente leur plaisir en créant un
sentiment d'identité de groupe. Dans le cas de l'héroïne, comme
l'accro est virulent, un toxicomane peut utiliser une seringue
même s'il sait qu'elle a été utilisée par une personne
contaminée.
Le LSD, la cocaïne et l'alcool, surtout à fortes doses,
causent la destruction de cellules du cerveau. Quand on
découpe le cerveau d'une personne morte d'une cirrhose du foie
due à l'alcool, on découvre que de grandes parties de son
cerveau sont devenues des plaques de matière inerte. Dans le cas
de fortes doses de LSD les lésions sont moins évidentes à observer
physiquement. Mais les personnes qui ont fait cela disent
"avoir perdu quelque chose".
Le crack est une drogue très destructrice. Comme elle
se prend par inhalation on a cru un moment qu'au moins elle
n'augmenterait pas la propagation du SIDA. On a déchanté : les
personnes sous l'effet du crack ont un comportement sexuel
démentiel. Ils "sautent sur tout ce qui bouge", sans prendre la
moindre précaution.
Le tabac est la source de psychotrope qui a les
conséquences les plus nombreuses sur la population. 5% des
personnes ont une insuffisance respiratoire pénible à cause du
tabac. Les maladies graves liées à la consommation de tabac sont
nombreuses : cancer, gangrène des jambes, emphysème... Les
conséquences sont importantes aussi pour les personnes qui
ne fument pas mais vivent avec des fumeurs. Ils auront les
même problèmes que les fumeurs.
La dopamine
Pour appréhender le mécanisme des drogues dures il est essentiel
de comprendre le mécanisme de la dopamine. C'est une des
nombreuses molécules produites et utilisées par le cerveau.
Dans la vie normale d'un animal, la dopamine est sécrétée
lorsqu'il fait quelque chose de "bien".
A quoi cela sert-il ? Prenons un exemple : l'animal mange une
plante qu'il n'a encore jamais rencontrée.
Cette plante est riche en vitamines. Il serait donc bon que
l'animal mange d'avantage de cette plante.
Le cerveau, sensible aux effets bénéfiques de la richesse en
vitamines, va faire se déclencher une petite production de
dopamine. Cette production de dopamine se caractérise par une
sensation de plaisir. Elle aura pour effet technique que
l'animal va enregistrer dans sa mémoire que cette plante est
une bonne chose.
A l'avenir, la seule vue ou l'odeur de cette plante
déclenchera déjà une petite production de dopamine dans le
cerveau. Cela pousse l'animal à en manger.
Le réflexe de production de dopamine s'entretient et se
renforce à chaque fois que l'animal mange et remange de cette
plante.
Quand l'animal manque de vitamines, son cerveau fera en sorte
que le souvenir de la plante lui vienne à l'esprit, avec une
forte envie d'en manger.
L'endroit où se trouve la plante, le contexte, est très
important. Si l'animal passe par hasard à cet endroit, son
cerveau se rendra compte que c'est le périmètre où pousse la
plante. Il libérera automatiquement une petite dose de
dopamine, associée au souvenir de la plante. L'animal se mettra
aussitôt à la recherche de la plante. C'est logique : comme
elle est dans les parages, autant en profiter...
Si la plante est vraiment bonne, mais difficile à trouver, la
production de dopamine peut devenir très forte : pour
encourager l'animal à fournir les efforts nécessaire pour
trouver cette plante.
La dopamine est "la molécule de l'approbation". Quand il y a
production de dopamine, c'est comme si le cerveau mettait un
cachet "Testé et Approuvé".
L'héroïne, la cocaïne, l'alcool, la nicotine et le cannabis ont la
particularité de causer de façon directe la production
de dopamine. La prise
de ces produits engendre donc des sensations de
plaisir, de bien-être ou d'assurance.
Ces produits court-circuitent tout le mécanisme d'apprentissage
et de gestion de la vie. Plus besoin de faire des choses qui
sont bonnes pour ressentir du plaisir : il suffit d'absorber un
de ces produits. Ils "attaquent" les centres du
plaisir et déclenchent directement la production de dopamine.
Le cerveau recevra des doses de dopamines, sans qu'il
n'y ait aucune bonne raison à cela.
Comme ils touchent au mécanisme de l'apprentissage ils
engendrent le phénomène de l'accro psychologique. La personne
"apprend" qu'il faut à tout prix qu'elle prenne de ce produit.
Pour bien comprendre le phénomène de l'accro psychologique
voici une longue analogie :
Supposons que votre corps est une entreprise. A la tête de
cette entreprise, il y a le service de direction : votre
cerveau. La personne à la tête du service de direction, c'est
le directeur. Le directeur n'est pas très malin. Il se prend
très au sérieux. Il donne des ordres que les employés suivent à
la lettre. Mais il ne comprend pas très bien comment fonctionne
l'entreprise. Pour prendre ses décisions, le directeur se base
sur une seule chose : les bénéfices. Toute la journée le
comptable lui envoie des notes avec l'état des bénéfices. Le
directeur regarde attentivement ces chiffres et essaye de les
coréler avec ce qui s'est passé pendant la journée. Supposons
par exemple qu'un jour il y ait eu beaucoup de bénéfices. Le
directeur est très content. Il se demande "Mmmmm, à quoi
pourrait bien être dû le fait que nous avons fait tant de
bénéfices aujourd'hui ? Oui oui : l'élément inhabituel, c'est
que nous avons engagé l'intérimaire Jean Dupont. Aha ! Il y
cinq jours nous avions aussi fait de très bons bénéfices, et
justement ce jour là aussi Jean Dupont est venu travailler chez
nous. Et bien c'est clair : dorénavant je ferai venir Jean
Dupont le plus souvent possible." Le directeur passe son temps
à essayer de deviner ce qui a fait augmenter ou baisser le
chiffre d'affaire et il agit en fonction. Si à chaque visite de
l'intérimaire Alfred Ducroc le chiffre d'affaire baisse, le
directeur donnera l'ordre d'essayer de l'éviter. Si le
directeur remarque que si on fait venir l'intérimaire Jean
Dupont sans arrêt cela fait baisser le chiffre, alors il
donnera l'ordre de ne tout de même pas le faire venir trop
souvent (c'est le phénomène de l'écoeurement). Un jour arrive un
intérimaire très spécial : l'intérimaire héroïne. Il ne fait
rien du tout pour l'entreprise, il ne fournit aucun travail.
Mais il fait une chose bien précise : lorsque le comptable envoie la
note des bénéfices au directeur, il l'intercepte et il la
transforme : il augmente le chiffre des bénéfices. Il ajoute
carrément un zéro ! Quand le directeur reçoit cette note, il
est transporté de joie. Il comprend tout de suite que cet
intérimaire est quelqu'un d'excessivement précieux. Mais comme
l'intérimaire héroïne n'a en réalité fait aucun travail, les
bénéfices de l'entreprise ne sont pas très bons. Donc la note
suivante du comptable sera mauvaise. Alors le directeur, très
inquiet, donne l'ordre qu'il faut absolument trouver
l'intérimaire héroïne et lui demander de travailler. Aussitôt
qu'il vient, bingo, le directeur reçoit une note du comptable
avec un chiffre mirobolant ! Le directeur ne peut bientôt plus
se passer de l'intérimaire héroïne. Sans lui, le chiffre des
bénéfices s'écroule... Pire : le comptable, sans le faire
exprès, va essayer de compenser les notes mirobolantes. Il va
envoyer des notes au directeur avec des chiffres négatifs. Des
chiffres aussi énormes que les chiffres de l'intérimaire
héroïne, mais en négatif. L'horreur ! Cela plonge le directeur
dans le plus profond désespoir. Il est envahi d'une immense
douleur, il se torture à essayer de comprendre s'il a fait de
mauvais choix. Il donne l'ordre à tout le personnel de
l'entreprise de cesser toute activité et de se consacrer à la
recherche de l'intérimaire héroïne. Lui seul peut sauver la
situation ! La simple annonce du fait qu'on l'a trouvé et
qu'il est en train de s'installer à son poste de travail
remplira le directeur d'excitation. L'intérimaire héroïne est
très vicieux : au bout de quelques temps il ne se fatigue même
plus à remplir des chiffres mirobolants sur les notes de
bénéfice. Il se contente de gommer les gros chiffres négatifs
que le comptable met et de mettre un zéro ou de petits chiffres
positifs à la place.
En quelques mois l'entreprise fera faillite.
Qu'est-ce qu'il faut faire pour éviter que pareille chose
n'arrive ?
La première solution qui vient à l'esprit est bien sûr d'éviter
que l'intérimaire héroïne ne puisse entrer dans l'entreprise.
Mais ce n'est pas toujours réalisable. De plus, cela peut
engendrer un phénomène pernicieux : si le directeur a déjà eu
recours aux "services" de l'intérimaire héroïne, il est prêt à
beaucoup d'efforts pour l'engager à nouveau. S'il est difficile
à trouver, le directeur deviendra très inquiet. Lorsqu'enfin on
l'aura trouvé et qu'il aura fait parvenir une note de bénéfice
bien grassouillette, Le directeur se sentira tout
particulièrement heureux, très soulagé. Plus l'intérimaire
héroïne est difficile à trouver, plus le directeur aura besoin
de lui et mettra toutes les ressources de l'entreprise à profit
pour partir à sa recherche. Rendre l'intérimaire héroïne
difficile à obtenir est une mauvaise stratégie.
Certains diront qu'il faut punir le directeur quand il recourt
à l'intérimaire héroïne : le critiquer ou le mettre en prison.
C'est également une très mauvaise méthode : elle augmente
d'autant le besoin du directeur de recourir à ses services.
La bonne solution est sans doute plutôt de mieux éduquer le
directeur, faire en sorte qu'il soit plus intelligent et plus sûr de
lui :
Il faut réussir à lui faire comprendre ce que fait
réellement l'intérimaire héroïne.
Il faut lui apprendre à voir sur le long terme. Il faut
qu'il réalise qu'une note de bénéfice énorme, suivie d'une note
catastrophique, ce n'est pas intéressant.
Il faut lui dire et lui prouver qu'il ne doit pas craindre
les moments où les affaires vont moins bien. Il faut lui
montrer qu'il fait partie d'un grand groupe industriel et qu'il
sera toujours aidé en cas de problème.
Il faut lui donner un conseil d'administration constitué de
personnes sages et cultivées.
Il faut lui montrer que les activités normales de son
entreprise, sans l'intérimaire maudit, sont nécessaires aux
autres entreprises.
Il faut qu'il se rende compte que tout le personnel de son
entreprise est important, ainsi que les nombreux fournisseurs,
les talentueux intérimaires... tous travaillent à ce que son
entreprise fasse de beaux bénéfices, sans tricher.
L'accro est un mécanisme pervers :
Parfois, dans un premier temps, le fait que le directeur
croie qu'il fait des bénéfices mirobolants peut vraiment avoir
des effets positifs pour lui. Cela peut lui donner l'envie
d'investir dans de nouveaux secteurs d'activité. Cela fait
aussi que s'il rencontre des clients, ou son banquier, il se
montrera très sûr de lui. Il inspirera confiance. Ses clients
n'hésiteront pas à acheter ses produits. Son banquier lui
accordera des prêts sans hésiter. Par la suite ils devront
déchanter...
Les personnes qui ne connaissent pas l'enfer de la drogue se
croient permis de dire "Huh, se sortir de la drogue, c'est une
affaire de volonté !". C'est totalement faux : Ce sont
précisément les "directeurs" qui ont beaucoup de volonté qui
ordonneront la recherche de l'intérimaire héroïne avec le plus
de fermeté. Pour preuve : le fait qu'un certain nombre de
sportifs de haut niveau deviennent accro à l'héroïne. Ce ne
sont certainement pas des personnes que l'on peut accuser de
manquer de volonté. De plus, deux personnes différentes
n'auront pas le même risque de devenir accro. Leurs cerveaux
n'ont pas la même sensibilité. Certaines personnes n'ont aucun
mérite à ne pas être accro, tout simplement parce que leur
cerveau y est réfractaire.
Il suffit que le directeur voie l'intérimaire héroïne pour
qu'il soit très excité. Il courra vers lui pour lui demander de
venir travailler. Un toxicomane "craque" à la seule vue d'un
sachet de poudre ou d'une seringue : avant même l'absorption du
produit il est submergé d'une dose de dopamine qui le pousse à
en prendre envers et contre tout. Il devient chaud et fébrile, épris
d'envie de la dose. Certains dealers savent jouer
là-dessus pour relancer des clients qui essayent d'arrêter.
Rien que le décors dans lequel un héroïnomane vit lui rappelle
la drogue et peut lui donner des envies très vives. C'est pour
cela que quand un héroïnomane veut arrêter il est important
qu'il quitte complètement son mode de vie. Il faut qu'il aille
vivre ailleurs, d'une façon différente. Les GI de retour de
Vietnam n'ont pas continué à consommer de l'héroïne simplement
parce qu'en rentrant chez eux ils ont changé de
pays et de mode de vie. Un de mes amis, héroïnomane lourd, ne consomme
pas un milligramme quand il part en voyage, sans la moindre crise
de manque. Un autre exemple du fait que les circonstances de la prise
comptent est que les personnes qui ont pris de la morphine dans
un hôpital pour lutter contre la douleur n'ont pas d'accro. Elles ne
deviennent pas dépendantes, alors qu'elles ont pris des doses parfois
très importantes et pendant des périodes prolongées.
La peur de manquer du psychotrope est la cause de vives
angoisses. Elle pousse le toxicomane à consommer d'avantage.
Un de mes amis recevait sa dose quotidienne sans faire le
moindre effort. Elle lui était offerte et préparée par sa
petite amie prostituée. Un jour il s'est rendu compte
qu'essentiellement l'héroïne l'ennuyait. Il a arrêté du
jour au lendemain, comme un vêtement puant que l'on jette
à la poubelle. La consommation de cocaïne d'une
amie a baissée de moitié le jour où elle a eu l'adresse d'un
grossiste sûr, qui l'avait à la bonne et qui lui faisait
moitié prix. (Ces deux cas sont des personnes qui ont déjà un
peu d'éducation et qui ont un certain parcours toxicomane
derrière eux. Je ne suis pas sûr que la disponibilité facile
de psychotropes pour tout le monde serait une solution.
Beaucoup de personnes paumées, irresponsables et en trop
bonne santé risqueraient fort d'en consommer des quantités démentes et
sombrer en un temps très court vers un stade avancé de
destruction de leur organisme et de leur système
nerveux.) La disponibilité est une méthode intéressante, mais
qui doit être pratiquée sous contrôle médical.
Réciproquement, la politique de torture par sevrage
des toxicomanes, que pratiquent certains pays, doit
a tout prix être arrêtée. Tout au moins, un toxicomane ne
doit pouvoir être "torturé" que pour les délits normaux :
vol, violence, arnaque... mais pas pour le fait de consommer.
Enfermer un toxicomane pour l'empêcher de se procurer son
produit, c'est s'assurer de sa rechute et de sa criminalisation.
Et quand on sait avec quelle facilité la drogue
circule en prison... Le sevrage forcé ne peut avoir des
conséquences positives que quand il est librement consentit
par le toxicomane, dans le cadre d'une thérapie structurée.
La drogue a pour effet de simplifier la vie de
quelqu'un. Elle la rend peut-être plus dure, la vie
d'un toxicomane peut être un enfer ; la chute d'un rat dans
une fosse septique. Mais elle est plus simple. Beaucoup
de personnes qui ont la chance d'avoir les bons
réflexes ou les bonnes habitudes, ne se rendent pas compte
de la difficulté que peuvent avoir d'autres personnes
pour poser les actes de la vie de tous les jours. Il
peut être bien plus supportable de se trouver dans une fosse
sceptique aux murs bien définis, où les étrons sont
comestibles, que dans une campagne
paradisiaque où il faut chercher la nourriture, planifier
les choses, où chaque
zone d'ombre, chaque bosquet, cache l'inconnu. Un
élément important d'une cure de désintoxication consiste donc
à placer la personne dans un environnement facile : une
jolie campagne sans zones d'ombre, sans difficultés
d'approvisionnement. Ce n'est que quand la personne est
désintoxiquée que l'on peut lui apprendre pas à pas à
affronter une campagne plus riche. Elle ne sera véritablement
désintoxiquée que quand elle aimera passionnément la vraie
campagne.
Quoi qu'on fasse, si on le fait sous cocaïne ou sous
héroïne, on le perçoit comme étant très bien, parce qu'on est
inondé de dopamine. On peut faire des choses très moches le
sourire aux lèvres.
L'accro causé par le mécanisme de la dopamine dure très
longtemps. On l'appelle "le manque psychologique". Il faut
plusieurs années pour qu'il s'estompe.
Ce qui compte pour sortir d'une toxicomanie, c'est le fait
d'avoir de la culture, "de la religion", savoir qui on est.
Beaucoup de toxicomanes qui n'avaient jamais arrêté, malgré de
nombreuses cures de désintoxication, arrêtent tout d'un coup à
l'âge de trente ou quarante ans, brutalement, sans aucune aide.
Pourquoi ? Parce qu'ils sont devenus plus matures, plus sages
plus adultes. Tout d'un coup, la consommation du produit leur
semble être quelque chose d'idiot. Il faudrait toujours
attendre d'être arrivé à cet âge là avant de toucher aux
drogues dures...
Il est important pour un toxicomane de comprendre ce qui se
passe dans son cerveau. Il faut qu'il comprenne pourquoi il est
accro, par quel mécanisme il est poussé à consommer. Mais cela
ne suffit pas en soi pour qu'il arrête. Notre volonté émane du
subconscient. Elle nous dépasse. Quand le "directeur" ordonne
qu'il faut aller chercher de la drogue, nous lui obéissons même
si nous savons qu'il a tort. Il est un petit roquet complexé
qui crie très très fort en silence. Parfois nous croyions le
dominer, alors il nous manipule par la bande : il nous susurre
des justifications, il tronque notre perception de la réalité.
Il nous dit "Juste une dernière fois !" ou "C'est des
vitamines...". Il le dit même au directeurs d'autres personnes,
pour se justifier. Pour réussir à éduquer le "directeur", il
faut du temps et du travail. Il faut méditer, se reposer,
communiquer, comprendre, se comprendre, accepter...
Pour sortir de la toxicomanie, les religieux proposent la
prière : s'adresser à Dieu. Cette approche est tout à fait
fondée : Dieu est le symbole du savoir et de la volonté. Il est
la représentation idéalisée, complète et "parfaite", de ce petit
"directeur" qui se démène à l'intérieur de notre cerveau.
Faut-il aider un toxicomane ? Si on peut le faire, bien sûr.
Mais à mon sens il ne faut pas se croire obligé. Si on n'a pas
les compétences et les ressources nécessaires, il vaut mieux
s'abstenir. Il est parfois très dur de vivre au contact d'un
toxicomane. On peut y perdre beaucoup, inutilement. L'espoir de
guérison est souvent très faible. Il n'y a aucune honte à
prendre ses distances, c'est souvent même une obligation.
L'important, c'est de ne pas le démolir. Un toxicomane a une
personnalité fragilisée. Il ne pourra sortir de sa toxicomanie
qu'en ayant retrouvé une certaine personnalité. Pour cela, il a
besoin du soutient des autres, au moins moral.
Pendant la Première Guerre Mondiale, des soldats se sont jetés
sur des obus explosifs qui tombaient dans leur tranchée, pour
protéger leurs camarades. Notre volonté peut commander notre
mort. C'est cette même volonté qui commande le sacrifice ultime
qui commande une toxicomanie. Sauver ses camarades, c'est
bien, prendre de la drogue, c'est mal. Mais en souvenir du
premier, j'évite de trop ouvrir ma grande gueule quand je suis
en présence du deuxième.
La volonté est essentielle pour sortir d'une toxicomanie,
mais elle n'est pas suffisante. Voire elle peut jouer
contre la victime. Une forte volonté peut devenir une forte
volonté de prendre de la drogue. Une personne qui arrête abruptement
et qui souffre le martyr peut développer une peur panique du manque qui
au final la rend plus dépendante encore. C'est un peu comme les
régimes d'amaigrissement draconiens : au final on prend du poids. Pour
réussir, il faut aussi de l'amour : du coeur, de la sensibilité, de
l'intelligence, de la compréhension et de l'altruisme...
Un toxicomane a une perception complètement déstructurée du
monde. Il ne sait pas, ou ne sait plus, ce que sont les choses,
ce qui sert à quoi. Il ne sait pas comment il doit faire les
choses qu'il a à faire.
La déstructuration est encore beaucoup plus grave au niveau de
sa perception de lui-même. Il n'a plus d'identité. Il ne sait
plus qui il est ni ce qu'il sait faire, ni quels sont ses
liens avec les autres. C'est la raison de sa souffrance.
On tombe dans la toxicomanie parce qu'on a un problème d'identité.
L'effet du produit, la production de dopamine, donne au
toxicomane l'impression qu'il sait qui il est. Elle lui en
donne la certitude absolue. Ensuite, parce que cette certitude
était fausse, c'était un mensonge, la toxicomanie aggrave le
problème d'identité. C'est un cercle vicieux très puissant. En
voici quelques indices :
Certains toxicomanes arrêtent quand ils tombent amoureux ou
quand ils deviennent parent. Parce que cela leur donne une
identité : "Je suis le conjoint de..." ou "Je suis le papa
de...". (Inversement, beaucoup de toxicomanes ont été
"initiés" par la personne qu'ils ont rencontrée. Rien n'est
parfait.)
Un moyen très efficace pour aider un toxicomane à décrocher
sont les massages. En touchant un toxicomane, on lui redonne
une perception de son corps, de ce qu'il est, de l'espace qu'il
occupe dans l'Univers.
Certains toxicomanes considèrent la drogue comme quelque
chose qui vient vivre en eux. Ils ressentent les effets comme
la manifestation de quelque chose qui leur est étranger. Ils ne
se rendent pas compte du fait que le produit ne fait que
stimuler des phénomènes qui son propre à leur cerveau, qui
sont en eux depuis toujours. (Ils ne peuvent donc pas
comprendre que ces choses pourraient être stimulées sans
recourir à la drogue.) On peut par exemple entendre
un cultivateur de cannabis qualifier ses plantes de "petits
martiens" qui viennent lui rendre visite.
Beaucoup de toxicomanes ont commencé à consommer parce
qu'ils voulaient entrer dans un certain cercle de personnes.
Ils avaient besoin de ces personnes pour acquérir une identité.
Le fait de s'ennuyer pousse à consommer des psychotropes.
S'ennuyer, c'est le fait de ne pas savoir ce qu'on a à faire,
ne pas savoir pourquoi on est là, qui on est.
Un toxicomane a besoin de prendre des vitamines et des
acides aminés pour reconstituer les réserves de produits dont
son cerveau a besoin. On utilise ces vitamines et ces acides
aminés à forte doses pendant les cures de désintoxication pour
diminuer le phénomène du manque. Quand le cerveau fonctionne
bien, grâce aux vitamines, il trouve beaucoup plus vite ses
marques, il comprend mieux les choses. La personne arrive mieux
à savoir qui elle est, elle a moins besoin du produit.
Une
amie d'un ami rechute régulièrement dans l'héroïne. Cela se
passe chaque fois de la même façon : elle va dîner chez ses
parents (elle aime beaucoup son père), sa mère la démolit
verbalement pendant tout le repas, elle rentre chez elle
cassée, son "petit ami" vient la voir et lui propose de
l'héroïne. Un jour elle téléphone à mon ami. Elle vient de
commencer sa cure de méthadone. Elle pleure au téléphone, elle
est très mal. Mon ami lui demande si elle a des vitamines chez
elle. Elle lui répond qu'elle a un tube de comprimés
multivitamines effervescents. Mon ami lui dit d'en prendre
quatre d'un coup. Elle lui répond "Si ça ne marche pas, je te
tue". Le lendemain mon ami lui téléphone. Elle est parfaitement
détendue, heureuse de vivre, elle a même arrêté la
méthadone.
Un médecin peut prescrire des compléments de
vitamines et d'acides aminés fortement dosés. Dans les cas pas
trop graves, le repas suivant peut contribuer à rétablir la
chimie du cerveau : deux oeufs crus (pour les acides aminés et
toutes les vitamines sauf la C), une cuillerée d'huile d'olive
vierge ou d'huile de noix (pour les huiles essentielles,
nécessaires au cerveau), une pomme (pour les fibres et les
minéraux), un kiwi (pour la vitamine C), un yaourt (pour la
qualité de la digestion, les vitamines et les protéines). Le
calcium et le magnésium sont importants. On peut les trouver
dans certains aliments, dans des eaux minérales ou en
comprimés.
Tout aussi importante : l'élimination des
toxines. Elles empoisonnent le cerveau, l'empêchent de
fonctionner. Pour éliminer ou éviter les toxines, il existe beaucoup de
méthodes : le sauna, le sport, un gros repas uniquement de
pommes de terre cuites à l'eau, ne manger que des fruits
pendant un jour, boire beaucoup d'eau (pas trop...), prendre
des extraits de plantes qui favorisent l'élimination des
toxines, éviter les sources de protéines ou de graisses...
Certaines personnes essayent des drogues uniquement pour
aller à la découverte d'elles-mêmes, pour mieux se connaître.
C'est la seule raison acceptable, à mon sens, de prendre des
psychotropes. Ces personnes là font rarement plus de quelques
expériences. Une fois qu'elles ont appris ce qu'elles voulaient
savoir, elles passent à autre chose. Le devoir d'un être humain
est d'apprendre à faire fonctionner son cerveau d'une façon
adaptée à toutes les circonstances de la vie, sans utiliser de
drogues ni d'endoctrinement. Une personne qui aime son métier
n'a pas besoin d'un stimulant pour être hyper-active. Un
véritable artiste imagine des choses bien plus riches sans
hallucinogène qu'avec. Salvador Dali se basait sur ses rêves.
(Pour mieux se souvenir de ses rêves il buvait du café avant
d'aller dormir.)
Pour ceux qui en consomment tous les jours, les
psychotropes sont un palliatif, une béquille. Parfois cette
consommation en continu est justifiée par des raisons
médicales. Mais la majorité des consommateurs sont des
personnes qui n'ont pas appris à gérer la vie. Leur
développement spirituel présente des carences importantes. Ils
ne sont pas capable d'avoir une vie sentimentale harmonieuse et
ne comprennent pas grand-chose à la sexualité. Ils souffrent de
la vie et ont besoin de prendre régulièrement un peu de drogue
pour colmater leurs blessures. (Il est évident qu'il faut
absolument fournir le travail nécessaire pour qu'ils arrivent à
un niveau d'éducation suffisant pour ne plus avoir besoin de
consommer des psychotropes. Mais tant que ce travail n'a pas
été fait, il vaut souvent mieux les laisser continuer à en
utiliser. L'important est de veiller à ce qu'ils aient accès à
des produits de bonne qualité.)
Beaucoup de toxicomanes nient totalement leur état. Ils
refusent d'admettre qu'ils sont des consommateurs assidus de
drogue. Ils ne veulent pas "se voir ainsi".
Deux toxicomanes utilisant le même produit peuvent avoir des
modes de vie totalement différents et un rapport totalement
différent au produit. Il n'est pas possible de classifier
les toxicomanes uniquement sur base du produit qu'ils
utilisent. Leur personnalité a un impact plus important sur
leur mode de vie que le produit. Par exemple il y a des drogués
lourds à l'héroïne, qui au terme d'un cauchemar horrible de
plusieurs années finissent cul-de-jatte dans un fauteuil
roulant, déchus de leurs droits civiques et rejetés par la
société. Mais il y a aussi des héroïnomanes "light" qui
sniffent leur petite ligne tous les jours, d'un geste vaguement
distingué, et sont des personnes très fréquentables. Je connais
des consommateurs de cannabis qui fument un gros joint de
résine bien lourde après le travail pour s'assommer un bon coup.
Ils appellent cela "se scotcher". J'en connais d'autres qui
fument un petit joint léger de fleurs pour se mettre le coeur à
l'ouvrage avant de commencer le travail. L'effet désinhibant de
la cocaïne implique que la personne est libérée des contraintes
que la société lui a imposées. Cela ne veut pas dire que la
personne se mettra à faire n'importe quoi : si sa personnalité
propre est une jeune fille fragile, avec une bonne dose de
cocaïne dans le nez cette personne deviendra très prude et réservée,
renfermée sur elle-même. Elle
ne se sent plus obligée de communiquer et de se montrer
disponible. Une autre personne, avec la même dose, deviendra
joviale et enjouée, socialement surexcitée.
En général, un drogué "choisit" la drogue qui correspond à
son mode de vie, à son mental. Les cadres consomment
essentiellement de la cocaïne. Les jeunes paumés consomment
plutôt de l'héroïne. Les artistes consomment du cannabis et des
hallucinogènes. Ceci dit, les frontières entre les types de
consommateurs sont devenues relativement floues. Beaucoup de
gens se considèrent comme des cadres paumés un peu artistes...
Tout le monde trouve normal que l'on donne de la morphine ou
de l'opium à une personne qui est en train de mourir. Mais on
ne comprend pas qu'une personne jeune et en bonne santé
consomme de l'héroïne. Cette personne jeune est pourtant très
proche d'une personne qui va mourir. La mort, c'est ne plus
rien être. Le problème du jeune qui tombe dans la toxicomanie
est précisément qu'il ne sait pas qui il est. Il vit des
souffrances, des angoisses, qui peuvent être aussi terribles
que les douleurs d'une personne qui meurt d'un cancer.
On croit parfois qu'un toxicomane est une personne qui se
suicide lentement, qui n'a pas le courage de se donner la mort
une bonne fois. S'il est certain que le parcours d'un
toxicomane ressemble à un suicide, ce n'est pas forcément son
intention. Beaucoup de toxicomanes disent que la drogue est
plutôt une façon pour eux de défier la mort. En bravant
la mort, en remportant des victoires sur elle, ils se prouvent
qu'ils existent. Quant on sait qu'on est quelqu'un, on n'a plus
peur de ne rien être, on n'a plus peur de la mort. Ce rapport
avec la mort est aussi présent dans certains rites
initiatiques : on met la vie des novices en danger dans le
but qu'ils sortent renforcés de l'épreuve. Ces procédés
sont archaïques et peu rentables, certes, mais ils
font partie de la nature humaine.
Les angoisses, les phobies et la dépression résultent d'une
mauvaise compréhension de ce qui se passe autour de soi et en
soi-même. Un personne qui fait une phobie des couloirs ressent
qu'au bout d'un long couloir se trouvent des choses très
dangereuses. Elle éprouve une virulente angoisse quand elle
entre dans un tel couloir, au point de reculer, de ne plus
pouvoir avancer. Même si consciemment elle sait qu'il n'y a pas
de danger, son subconscient, lui, est convaincu du contraire et
déclenche des angoisses atroces qui dominent le conscient.
Beaucoup de phobies concernent le corps lui-même ; par exemple
la peur de perdre tout son sang. Un cas pernicieux est celui de
la tachycardie, quand le coeur se met à battre trop vite : plus
le coeur bat vite, plus la personne a peur de mourir, plus
cette peur fait battre son coeur. De tels cercles vicieux
existent dans la plupart des phobies et dépressions, par
exemple parce que la personne culpabilise d'avoir une phobie.
Le remède aux phobies est généralement de permettre à la
personne de prendre connaissance de son corps et de son esprit,
en lui apprenant à se toucher elle-même et en lui apprenant à
dialoguer avec son subconscient. Les anxiolytiques,
antidépresseurs et calmants sont très efficaces contre les
phobies. Il suffit d'avaler une petite pilule pour pouvoir
arpenter tous les couloirs de la planète l'âme en paix. Dans la
tenaille d'une crise d'angoisse pire que les flammes de
l'enfer, au point de ne plus pouvoir bouger de terreur, il
suffit qu'un médecin vous injecte une dose minime
d'anxiolytique pour qu'endéans quelques minutes tout aille
bien. Ces psychotropes ne sont que des palliatifs : ils font
cesser les angoisses mais ils ne guérissent pas la personne de
sa phobie ou de sa dépression. Il faut les utiliser quand c'est
nécessaire ou dans le cadre d'une psychothérapie ciblée.
Mais il faut s'en méfier au plus haut point.
Une vie amoureuse réussie est un des meilleur remparts
contre la toxicomanie. Techniquement, de bons amants savent
qu'il faut souvent commencer un rapport sexuel par un long
flirt. Au cours de ce flirt, on se dit tout, on se pardonne
tout. Les caresses et la tendresse mettent les deux
partenaires dans un état de bien être le plus parfait.
Ils n'ont plus peur de rien, ils n'ont plus besoin de
jouer aucune comédie, ils savent qui ils sont, totalement.
Ce n'est qu'alors qu'éventuellement ils passent au "sport".
Dans certains cas, une conversation avec une personne qui a
pris un peu d'héroïne peut être quelque chose de très agréable.
Elle ne ressent plus le besoin de se protéger ou de faire le
malin. Elle ne s'offusque jamais et prend le temps de
réfléchir. La conversation est ouverte, objective, spontanée,
intelligente, chaleureuse et sympathique. En général ce n'est
malheureusement pas l'effet que l'héroïne produit ; on a
plutôt affaire à une personne insensible ou narquoise.
Pour se sentir bien, un être humain a besoin d'une
production régulière de dopamine dans le cerveau. Mais la
dopamine n'est produite que quand il a des choses à faire, des
enjeux, des travaux à réalise, des obstacles à franchir.
Dans les prisons modernes, où les prisonniers sont logés comme
des princes et n'ont rien d'autre à faire qu'attendre leur
libération, les cas de dépression sont nombreux et sévères.
Beaucoup de prisonniers passent tout leur temps de prison sous
antidépresseurs, calmants et somnifères. Dans les prisons du
passé, où les prisonniers mourraient à cause des mauvais
traitements et devaient se battre pour survivre, il n'y avait
pas de dépressions. On dirait qu'il faut choisir entre santé
mentale et santé physique. La solution n'est évidemment pas de
rendre à nouveau la vie des prisonniers dure. Les conditions
de vie acceptables qu'ils ont actuellement sont une nécessité.
Mais il faut développer dans les prisons un sens du travail
intellectuel et physique. (C'est aussi pour cette raison que la
Conquête de l'Espace est une nécessité absolue et qu'il faut
lui allouer des sommes considérables : parce qu'elle est pour
l'humanité un challenge surhumain, une lutte contre l'inconnu.)
Un schéma type de toxicomane est le jeune adulte dont
le mode de vie et les préoccupations ne correspondent pas
aux attentes de ses parents. Par exemple un jeune homme
qui a un tempérament d'artiste et dont le père rêvait
qu'il devienne médecin. La désapprobation et le retrait
d'affection que vont lui témoigner ses parents peuvent
parfois contribuer grandement à disloquer son identité,
son image de soi. Il ne sera plus rien, vidé de sa
substance. Il ne lui restera plus qu'à se mettre des
emplâtres et des sparadraps : consommer des psychotropes.
Une amie qui aime bien sortir m'expliquait : "Le
problème avec les jeunes, c'est qu'ils ne connaissent
pas le mode d'emploi des produits qu'ils consomment.
Ils avalent trop de pilules à la fois, où ils les
prennent avec de l'alcool. On les retrouve écroulés
dans un sofa, les yeux révulsés, tétanisés d'angoisse.
Ils ont l'impression de sombrer dans un trou sans fond.
La bonne attitude est de leur parler. Il faut nouer
un dialogue avec eux, pour les sortir de l'abîme.".
La preuve que les drogués ont une mauvaise approche de leur
problème d'identité est qu'ils doivent sans cesse recommencer
à prendre de la drogue. Ils ne progressent pas, ils n'apprennent
rien.
Chez les gens civilisés, on donne une identité aux enfants en
les aimant, en leur disant et en leur montrant qu'on tient à
eux, en les comprenant, en les prenant dans ses bras, en leur
permettant d'apprendre et de comprendre beaucoup de choses et
en leur donnant l'occasion de faire des sports intenses. Chez
les gens un peu moins civilisés, ont utilise la religion ou un
nationalisme quelconque pour donner des certitudes aux enfants.
On leur affirme qui ils sont. (Si on contrarie un intégriste
sur une définition de lui-même qu'on lui a donné, c'est comme
si on menaçait de le tuer.) Chez les gens non-civilisés, on ne
s'occupe pas des enfants et on les laisse se procurer des
psychotropes comme palliatifs.
Il y a des différences secondaires entre la cocaïne et
l'héroïne :
La cocaïne intensifie le fonctionnement de tous les
neurones (en empêchant la désexcitation des synapses). Elle est
dynamisante. Les suites d'une prise de cocaïne sont un grand
vide : le cerveau ne fonctionne plus, la personne est comme
assommée, absente, elle ne perçoit plus rien, ne réfléchit plus.
La cocaïne a fait s'épuiser toutes les réserves de molécules
dont le cerveau a besoin pour fonctionner.
L'héroïne peut être dynamisante parce qu'elle désinhibe,
mais comme elle isole le cerveau du monde extérieur (en
bloquant le passage de l'influx nerveux), à forte dose elle
calme et endort. Isolé, le cerveau rêve, il crée son propre
petit monde. Le manque physique immédiatement après une prise
d'héroïne est du au contrecoup : pendant l'action de l'héroïne
le cerveau était coupé du monde, ensuite, il sera connecté au
monde beaucoup trop fort : un simple effleurement de la peau
sera perçu comme un coup de fouet douloureux. La personne
sentira que tout son corps et son esprit son malades, elle
crèvera de nausée.
Certains comparent le "plaisir" de l'héroïne aux plaisirs du
sexe. Avez-vous déjà mangé des artichauts ? Quand ils sont
préparés amoureusement par un bon cuisinier, nappés d'une fine
vinaigrette, c'est un des mets les plus doux, les plus chauds,
les plus exquis qui soient. On en porte le bien-être encore
quelques jours après. Mais avez-vous déjà mangé de la pâte
d'artichaut en boîte de conserve ? Ces boîtes sont faites avec
de l'amidon, du parfum artificiel d'artichaut et de
l'exhausteur de goût. Vous prenez la boîte de conserve, vous
l'ouvrez, vous versez son contenu dans une casserole, vous
versez de l'eau, vous portez à ébullition, vous versez dans une
assiette, vous prenez la pâte avec une cuillère et vous la
portez à votre bouche... Et bien ce n'est pas mauvais. Il y a à
peu près la même différence entre du bon sexe et l'héroïne
qu'entre des artichauts fermiers bien préparés et de la pâte
d'artichaut en boîte de conserve. Si une personne vous dit que
l'héroïne est meilleure que le sexe, vous pouvez donc en
déduire qu'elle n'a pas la longue éducation nécessaire pour
être un bon cuisinier. Un jour, elle a essayé de préparer des
artichauts. Elles les a brûlés dans la casserole et les a
servis à table en versant dessus un demi-litre de vinaigre. On
peut comprendre qu'elle préfère ouvrir des boîtes de conserve.
Elle pense qu'il vaut mieux manger un succédané d'artichaut que
ne pas en manger du tout. Disons que l'héroïne procure
un succédané du plaisir d'un câlin. La cocaïne procure un
succédané du bien-être et de l'assurance que l'on ressent après
un câlin. Personnellement, je préfère franchement apprendre à
cuisiner. En attendant, il est hors de question que je me
remplisse l'estomac de cet exhausteur de goût qui me donne mal
à la tête et qui est une cause de débilité chez les enfants de
familles pauvres en Asie.
(Cet exhausteur de goût est le
glutamate de sodium : une molécule que notre cerveau utilise
pour fonctionner, en très petite quantité. Quand de grosses
quantités rencontrent les papilles gustatives de notre langue,
les papilles sont affolées, désorientées, et disent au cerveau
qu'il y a beaucoup de goût. Comme ce goût était indéfinissable,
le cerveau va même commander de reprendre de cette nourriture,
pour contrôler ! Des marchands de tabac ont ajouté du glutamate
aux cigarettes pour augmenter l'accro. Le glutamate de sodium
ingéré en grandes quantités s'accumule dans les neurones du
cerveau de façon désordonnée et cause leur mort par
empoisonnement. Lisez attentivement les petits caractères sur
les boîtes de conserve que vous achetez, les soupes en sachet,
les plats préparés, les sauces... Les petits caractères sont
aussi intéressants sur les contrats d'assurance que sur les
boîtes de conserve et les soupes en sachet.)
La réserve de dopamine du cerveau est limitée. Il n'y a qu'un
petit réservoir de dopamine. Quand il est vide, il est vide. Il
faut attendre des heures et des jours pour qu'il se remplisse à
nouveau. Donc, pour obtenir la décharge de dopamine la plus
intense possible, c'est à dire le flash de plaisir le plus
puissant, il faut vider le réservoir de dopamine d'un coup.
Comme un gros coup de pied sur une poire à eau. Il faut noyer
le cerveau en quelques secondes de la concentration maximale de
cocaïne ou d'héroïne. Donc il faut se piquer en intraveineuse
ou fumer (le produit passe des poumons au sang en quelques
secondes). Si on prend le produit par voie orale, en poudre par
le nez ou par piqûre dans le gras de la peau, la concentration
en produit n'augmente que lentement dans le sang. Il y aura
libération de dopamine et sensation de plaisir, mais la
dopamine est en train de s'écouler. Quand la concentration en
produit devient enfin maximale... le réservoir de dopamine est
presque vide, ainsi que les réservoirs des autres molécules
utilisées par le cerveau. Il n'y aura donc pas de flash. Il
faut choisir : ou un flash brutal et court, ou un bien-être
plus calme et prolongé. Tout dépend de la méthode
d'administration du produit.
L'éducation d'une personne peut avoir une grande influence sur
sa sensibilité à la drogue :
Le système d'éducation confusianiste fait en sorte que
l'individu soit incapable de décider par lui-même si ce qu'il
fait est bien ou non. Il dépend totalement de l'approbation de
ses supérieurs. En d'autres termes : ce sont ses supérieurs qui
ont le doigt sur sa glande à dopamine. Cela permet de
constituer des groupes de personnes soumis à une hiérarchie
très stricte et prêts à travailler comme des forçats. Pour une
personne issue d'un tel système, la cocaïne et l'héroïne sont
une ineffable bénédiction, le plus merveilleux cadeau des
dieux. Pouvoir faire se libérer la dopamine rien qu'en avalant
un peu de poudre ! Pour un bouddhiste ou un chrétien, à qui on
apprend à décider par eux-mêmes, la cocaïne ou l'héroïne sont
des produits ennuyeux. Leurs effets éveillent la curiosité
pendant cinq minutes, c'est amusant, puis on se barbe une heure
ou deux à attendre qu'ils cessent.
Les intégristes catholiques considèrent que le monde est une
vallée de larmes et que le corps est la prison de l'esprit.
Ils apprécient donc énormément l'opium, qui coupe l'esprit du
monde et de son propre corps. Pour un chrétien ou un
bouddhiste, c'est l'inverse : il cherche par tous les moyens à
se connecter au monde. Il veut sentir vivre son corps,
percevoir les goûts et les parfums, vivre toutes les musiques, capter
toutes des émotions de ses semblables.
Beaucoup de personnes n'ont pas appris à voir
les choses telles qu'elles sont et à les apprécier.
Elle se contentent de rêver la réalité, de rêver ce
que les autres feront. Au besoin elles le leur
imposeront par la force. Quand la réalité s'impose
à elles, elles se ferment, se murent. Ces personnes sont
paranoïaques, ou à l'inverse bêtement confiante en
tout le monde (les extrêmes se touchent). Pour ces personnes,
l'héroïne ou la cocaïne sont des "amplificateurs
de rêve" hautement appréciés. Ces substances leur
permettent de croire dur comme fer à leurs rêves, de
les "vivre" intensément dans l'univers fermé de leur
petite tête. L'assurance que leur procurent ces
substances peut même leur permettre dans une certaine
mesure de matérialiser leurs rêves, d'en faire une
réalité. La dangerosité de ces personnes est ainsi
augmentée par les substances.
Les intégristes évitent de permettre à une personne de se
découvrir elle-même. Elle doit se contenter de ce qui est
strictement nécessaire à la tâche à laquelle on la destine. Si
par exemple elle demande à quoi sert le travail qu'elle
effectue, on lui répondra "Tu touches ton salaire, non ? Alors
ne t'occupes du reste. Travailles !" Elle aura donc un gros
problème d'identité et ne peut que sombrer dans la toxicomanie
au premier faux-pas.
Dans certains systèmes d'éducation, l'identité des
individus leur est imposée. On leur dit qui ils sont et ils
doivent s'y conformer. Chez ces personnes, l'effet désinhibant
des psychotropes efface ces obligations. Ils se sentent
libres, ils ont l'impression d'être enfin eux-mêmes. Un
bouddhiste, à l'inverse, sait très bien qui il est. Il
travaille toute sa vie à se découvrir lui-même. Il a une solide
identité dès son jeune âge, il a son propre point de vue sur
les choses. Les psychotropes ne lui sont donc en rien
nécessaires pour se sentir lui-même. Il aurait même plutôt
tendance à les éviter, parce qu'ils lui renvoient une image de
lui-même trop simpliste et vraisemblablement faussée. Quand il
regarde ceux qui prennent des psychotropes, il constate que
certes ils ont l'air d'être très bien dans leur peau quand ils
en prennent, mais au fil des mois leur identité se perd. Ils
finissent par ne plus savoir du tout qui ils sont, ils sont
perdus, désespérés, vidés de toute substance...
Beaucoup de systèmes d'éducation apprennent aux gens à
refouler leurs problèmes et leurs émotions. Ils ne peuvent pas
en parler, ils doivent seulement les garder en eux et les
réprimer. Ils accumulent ces douleurs et deviennent comme une
marmite d'acide dont ils essayent continuellement de maintenir
le couvercle fermé. L'effet de l'héroïne est d'un bref instant
faire disparaître cette marmite et la remplacer par une
assiette de soupe au cerfeuil chaude et bien crémeuse. Un
bouddhiste, à l'inverse, apprend à traiter ses problèmes et
ses émotions. Il les exprime quand c'est nécessaire, il les
analyse et les classifie, il les empiles soigneusement pour les
faire devenir de l'humus. Sur cet humus il plantera un
merveilleux jardin. Il n'a rien contre la soupe au cerfeuil,
loin de là, mais si on lui enlève son jardin et qu'on l'attache
devant une assiette de soupe au cerfeuil en boîte, il la trouve
mauvaise...
Un des rôles de l'éducation est d'apprendre à mettre un nom
sur toutes les choses. Dans la vie, pour construire des choses,
c'est comme en architecture, il faut utiliser des plans. Un bon
architecte doit savoir dessiner et doit savoir prendre le temps
de regarder ses plans. Forcément, il faut qu'il connaisse tous
les objets qu'il peut représenter sur ses plans. (Il est aussi
indispensable qu'il connaisse un maximum d'objets que les
autres architectes utilisent sur leurs plans à eux.) Par
exemple, il faut pouvoir se dire : "Aujourd'hui, j'ai rencontré
quelqu'un de "négatif". Cela m'a "déprimé". C'est pour cela que
je marche la tête baissée. Pour redevenir heureux, je vais
penser à des choses agréables, ou respirer un parfum." Traduit
en termes d'architecture, cela donne : "Un sapajou a piétiné
mon terrain, il faut que j'y replante des fleurs pour qu'il
redevienne un beau jardin." Un autre exemple : "Cela fait deux
jours que je ne fais plus rien. J'ai pourtant du travail à
faire. Cela veut dire que soit ce travail est inutile, soit
qu'il faut savoir certaines choses pour le faire et je ne les
sais pas. Mmmmmm, oui, ce travail est très utile, c'est donc
que je manque de compétence. Il faut que j'aille trouver
quelqu'un qui peut m'apprendre." Traduit en termes
d'architecture, disons un architecte hindoux, cela donne : "Mon
Brahma, dieu de la construction, est en berne. Ma ville
intérieure s'étiole. Devrais-je la livrer à Siva, dieu de la
destruction ? Ou devrais-je chercher la Lumière ?" Hélas, une
personne sans éducation est incapable de faire ces démarches.
Qu'elle soit déprimée ou qu'elle soit en train de ne rien
faire, elle ne s'en rend même pas compte. Elle ne peut donc pas
résoudre ses problèmes, elle ne peut pas aller de l'avant. Elle subit
l'ambiance dans laquelle elle se trouve. Quoi de
plus simple pour ces personnes là que de prendre un
psychotrope, pour se mettre dans une ambiance plus agréable ?
Elles ne comprennent rien non plus à ce que la drogue enclenche
dans leur tête. Elles ressentent une bouffée de plaisir et de
bien-être, c'est ce qui compte. On pourrait presque dire
qu'elles n'ont pas d'autre solution. Hormis peut-être entrer
dans une secte, où l'ambiance est orchestrée par un gourou.
(Quand des personnes ayant peu d'éducation se réunissent, il
leur est nécessaire de consommer des psychotropes pour créer
une bonne ambiance. Alcool, cannabis, tabac...)
Un problème pour certaines personnes, quand elles prennent
de la drogue, de par leur éducation, est qu'elles luttent contre
les effets de la drogue. Elles refusent obstinément de se
laisser aller, elles tentent de contrebalancer les effets de la
drogue par leur volonté. Cela peut les mettre dans des
situations très désagréables mais en même temps cela contribue
à leur éviter de devenir toxicomane. (Les vétérinaires savent
que les chats font cela systématiquement. Il faut leur donner
des doses d'anesthésiant ou de somnifère beaucoup plus élevées.)
Une amie cocaïnomane m'expliquait que pour ressentir un "orgasme"
au moment de la prise il fallait être détendu et bien dans sa peau.
Ceux qui prennent de la cocaïne en étant stressés ou angoissés vont au
contraire amplifier cet état de mal-être jusqu'à faire des crises de
paranoïa.
Les psychotropes sont une chose importante. Ils touchent à ce
que nous avons de plus fondamental : notre esprit. Mais leurs
effets sont comme un mauvais bricolage. Ils agissent
de façon plate et déstructurée. Ils ont de nombreux effets
indésirés. Rien ne vaut le fonctionnement naturel du cerveau !
Je connais beaucoup de personnes intelligentes. Sans
exception, ceux qui produisent des choses qui m'impressionnent
sont totalement abstinents de tout psychotrope (sauf le café,
pour un d'entre eux). Ceux dont les pseudo-performances
intellectuelles sont vraiment pénibles sont ceux qui en
consomment des quantités.
Personnellement je n'ai jamais consommé de drogues dures. Par
prudence tout d'abord, par désintérêt ensuite. A force de
ressentir l'état d'esprit des consommateurs de drogues dures
que je connais et de les voir sniffer ou fumer leur came, je
ressens un léger "beuh" quand je vois un petit tas de poudre
blanche, brune ou rose.
Deux remarques :
Il n'est pas nécessaire d'être toxicomane pour être
drogué. J'ai déjà rencontré beaucoup de personnes qui vivent
comme des drogués sans pour autant consommer la moindre
substance. Ils sont associaux, haineux, paranoïaques,
endoctrinés, bornés, mangent n'importe quoi, ont des rêves
délirants... Ils peuvent être professeurs, industriels,
magistrats... La drogue, c'est d'abord un état d'esprit : un
refus de voir les choses. Le produit n'est qu'un accessoire,
une option. Tous les toxicomanes que je connais ont
visiblement un problème, mais ils sont bien plus
sympathiques et fiables que certains drogués que j'ai pu
rencontrer.
Nombre de personnes croient connaître le
monde. Mais ils ne se posent pas de questions. Ils ne se rendent
pas compte des réalités simples. Ils sont heureux, ils
avancent et ils font des projets. Puis un jour la réalité
leur éclate au visage, leur entreprise échoue, c'est la
catastrophe. On les retrouve au bord du chemin en train de
sangloter. C'est le contrecoup, le contrecoup du bonheur
qu'ils ont volé avec leurs rêves faux. Cela arrive souvent
aux personnes intelligentes, parce qu'elles ont la capacité
d'imaginer le monde, de s'en faire une représentation,
hélas fausse. Les meilleurs acceptent leur torts et
s'améliorent. Les autres accusent l'Univers entier et se
renferment.
J'espère que vous avez apprécié l'analogie entre un directeur
d'entreprise et le centre de la volonté du cerveau d'un
toxicomane. Ne croyiez pas que c'était gratuit : la majorité
des groupes industriels fonctionne de cette façon, avec les
mêmes conséquences. Ils ne se contentent pas d'un seul chiffre,
ils utilisent tout une batterie de chiffres qu'ils appellent des
"indicateurs". Le "directeur financier" est la personnes qui au
sein de l'entreprise est en charge de fournir ces chiffres
au Conseil d'Administration. C'est une des causes principales
des crises mondiales, des problèmes économiques et des guerres.
Dans les pays riches les conséquences sont acceptables pour la
plupart des habitants. Mais pour les pays pauvre cela signifie
la mort de millions de personnes. Les fringants économistes du
FMI, issus de Yale et de Harvard, ont causé avec leurs méthodes
au moins autant de morts et de désastres en Afrique, en Asie et en
Amérique Latine que Staline en Union Soviétique. Ce sont
des toxicomanes sans produit chimique. Leurs brefs succès financiers
leur procurent de véritables orgasmes.
La drogue est une source de problèmes graves, qui nécessite une solide
prise en main sociale. Mais la drogue est aussi propre à l'homme.
L'Homo Sapiens est un animal qui se drogue. Il y a un usage positif de
la drogue. Par exemple quelques prises de drogues différentes sont une
expérience importante pour un jeune adulte qui a une certaine maturité.
Ce sont des "voyages culturels". Lors
d'événements sociaux ou culturels rares et ponctuels, la prise de
drogues fait partie de l'événement. On ne peut pas suivre la mélopée
d'un musicien qui a fumé si on n'a pas fumé soi-même.
Certaines personnes qui ont des problèmes
physiologiques ou psychologiques graves retirent un bénéfice
concret de l'usage quotidien et modéré de drogues, sans nuire à
personne. Par
contre l'usage régulier par des personnes qui manquent
simplement d'identité ou d'amour doit être freiné. Non en
interdisant la drogue, mais en procurant à ces personnes une
identité et de l'amour, une vraie vie sociale. Il faut aussi
imposer de la drogue de bonne qualité. La répression brute est
le fait de personnes qui ne comprennent rien au problème et qui
ne peuvent donc appliquer que des méthodes simples et bornées. Elles
font partie d'un système culturel arriéré, tyrannique. Ces personnes
considèrent leur statut et leur doctrine comme plus important que
la santé des jeunes. Cela va plus loin encore : elles considèrent
qu'il faut sacrifier des jeunes en exemple pour préserver la
cohésion sociale. Comme dans la Gaule antique ou à Carthage, où
on sacrifiait des enfants aux Dieux pour clamer l'identité de la
cité. C'est pour ces raisons que même les contrôles de qualité sont
interdits. Les jeunes ressentent implicitement ce mépris extrême et
cette bêtise sectaire. Cela les pousse d'avantage encore vers la
marginalité, vers ce qui leur apparaît dès lors comme la Lumière et
qui semble remédier à leurs angoisses. Dans un monde où la
majorité des personnes a un niveau culturel trop bas, les dérives
et la maladie sont inévitables, que ce soit par la drogue, les
armes, les accidents, le terrorisme ou la malnutrition. Si un jour
le niveau culturel global monte suffisamment, il se passera la même
chose que dans les tribus sauvages où les gens sont instruits. Les
drogues qui ne présentent pas de danger aigu seront permises,
acceptées. Leur qualité sera sévèrement contrôlée comme pour tout
produit de consommation. Il y a aura un solide contrôle social
des consommations, une instruction civique à la drogue. Personne
ne devra plus se cacher pour consommer de la drogue. Toute tendance
à abuser ou à faire de mauvais choix sera contenue par les amis,
les parents, les médecins, les enseignants, la police de la
route... La drogue sera gérée, par l'individu comme par la
communauté. La santé des jeunes primera sur l'ordre social (ce
qui constitue par ailleurs l'ordre social le plus solide). La
répression n'entrera en jeu que par exemple dans les cas où une
personne propose ou impose de la drogue à une autre. (Donc la
publicité pour la drogue sera interdite. Ce qui n'est pas le cas
actuellement, puisque la publicité sur l'alcool et le tabac
existent toujours. Alors que ces drogues sont nettement plus
dangereuses que certaines drogues douces pourtant interdites.
Elles sont consommées par beaucoup sans aucune retenue, avec
peu ou pas de gestion sociale, avec des accidents et des maladies
graves à la clé.
Preuve s'il en fallait une de l'absurde et de la malhonnêteté
intrinsèque du système actuel. Les vendeurs de tabac et de
mauvais alcools font affaire avec les décideurs. Ils payent des impôts.
Et pour des raisons historiques l'usage de ces drogues n'est pas
considéré
comme un pied de nez à l'autorité.)
La drogue est utilisée par des prisonniers pour "s'évader". Cet usage
peut se retrouver un peu partout. Je me souviens d'un plateau de
télévision. Des mères dont l'enfant avait été tué par la drogue
réclamaient une prise en charge beaucoup plus musclée par la police.
Elles voulaient que la police aille partout où des enfants se droguent
et les ramènent à leur familles. Elles étaient offusquées des
propositions de tolérance et de prise en charge constructive que
proposaient d'autres personnes sur le plateau. Soudain j'ai vu devant
moi quel type d'enfance ces mères avaient donnée à leurs enfants. Une
enfance faite d'ordres, de règles, de standards carcéraux. Une enfance
en prison. Ces enfants étaient libres, mais uniquement dans
l'imaginaire de leur mères. Quelque part ces mères préféraient que
leurs enfants meurent plutôt qu'ils dérogent aux règles. C'est ce
qu'ils ont fait.
Pour mieux comprendre les toxicomanes, rien ne vaut d'avoir eu au moins
une crise de manque dans sa vie. Une méthode plus ou moins intéressante
est de boire de fortes doses de café ou de boissons caféinées pendant
un jour ou deux. Puis arrêter brutalement. On se sent persécuté,
tendu... L'absorption de beaucoup de viande ou d'autres protéines
animales pendant quelques jours favorise les angoisses de la crise de
manque, parce que le cerveau n'arrive plus à traiter correctement les
pensées, il est perdu. Ma plus virulente crise de manque a été causée
par un moyen très simple, inattendu. Pendant quelques jours j'ai mangé
des quantités importantes de glucides (des sucres, des pâtes, du riz,
de la tarte...). On se sent bien quand on mange des glucides. On est
chaud, semi-comateux. Puis j'ai arrêté d'un coup pour ne plus manger
que de la viande et des légumes maigres. J'ai passé une nuit avec des
sueurs froides, les membres endoloris de crampes. Les angoisses du
manque m'ont causé des douleurs psychologiques abominable. Je revoyais
sans cesse des torts que j'avais causé à d'autres personnes, des
erreurs que j'avais faites. Le remords était insoutenable. Je pensais
aussi à ce que je devais faire les jours suivants. Je sentais au plus
profond de mon être que je n'arriverais jamais à le faire et que les
conséquences en seraient désastreuses. La douleur des craintes était
effroyable, à se tordre. J'aurais pu arrêter la crise simplement en
prenant un peu de sucre. Mais je ne l'ai pas fait. C'était trop
intéressant. Quand on comprend ce qui se passe, quand on sait au moins
un peu le gérer, on n'est jamais tout à fait en détresse. Le fait de
revoir mes erreurs passées de façon aiguë était aussi bon en soi. Cela
m'a permis de les retraiter, de distinguer des lignes générales. On est
un peu meilleur après une crise de manque bien gérée. Attention : de
fortes doses de caféines peuvent vous détraquer l'organisme. Une
hypoglycémie peut tuer. Demandez l'appui d'un médecin avant de jouer
avec votre santé.
Beaucoup de psychotropes donnent simplement plus de goût, de saveur aux
rêves. Si une fille se refuse à vous, il ne vous reste plus qu'à rêver
d'elle. Si vous prenez alors une tasse de thé surdosée, vous pourrez
sentir votre affection pour cette fille avec plus de force. Vous
pourrez même rêver qu'elle vous aime et sentir, comme un feu qui se met
à brûler en vous, cet amour qu'elle éprouve pour vous. Tout est faux,
mais vous en éprouvez un profond ravissement. Ce type de procédé
n'intéresse bien évidemment que les personnes qui ont des problèmes
affectifs, un handicap social. Et cela risque fort d'augmenter encore
leurs problèmes. Les personnes bien dans leur peau, qui obtiennent de
la vraie affection, n'ont que faire de ces moyens.
Un vieil ami très cultivé et un peu héroïnomane m'a expliqué ceci :
"Toute personne a des antennes. Avec ces antennes elle sent les
personnes autour d'elle. Elle sent leurs problèmes, leurs besoins...
Cela fonctionne toujours au moins un peu. Quand tu prends de l'héroïne,
cela coupe tes antennes. Tu deviens insensible aux personnes. Tu ne te
gares plus quand quelqu'un veut passer, tu peux même rester sans
broncher à côté d'une personne qui meurt et qui a besoin d'aide. Pour
des enfants, avoir des parents drogués c'est abominable." Il y a là une
forme de concurrence entre l'héroïne et la Société. Les relations
sociales : s'occuper de ses proches, passer du temps avec son
compagnon... c'est ce qui procure le bien-être le plus intense dans la
vie. Mieux on sait faire cela, plus on considère l'héroïne ou la drogue
en général comme une pauvre chose, un handicap. Par contre si on est
coupé des autres, un peu perdu, on peut trouver un plaisir dans la
drogue. Plus on en prendra, plus encore on sera coupé des autres. On
mourra socialement avant peut-être de mourir physiquement. Les jeunes
sont souvent à une charnière entre ces deux extrêmes : ils prennent de
la drogue pour s'intégrer dans une bande. Tabac, hashish, alcool... Ils
ont des problèmes de communication à cause d'une enfance vide. Ils
tentent de les colmater avec des adoucissants de problèmes sociaux. La
majorité finira par s'intégrer socialement, au moins un peu. Quelques
uns sombreront dans la drogue. Un indice du fait que le social est plus
fort que la drogue se voit par exemple dans le soin des grands brûlés :
même la morphine n'est pas suffisante pour éviter que le blessé ne
souffre quand on change ses bandages. On a pourtant trouvé une solution
: il faut lui parler, s'occuper de lui. Une infirmière s'occupe
exclusivement de lui parler, de lui expliquer ce qui se passe et de se
préoccuper de lui. Alors la douleur devient supportable.
Quand on reproche à un jeune le fait qu'il fume cela le conforte en
général dans le fait de fumer. Car il croit qu'en fumant il se
démarque. Il y a toutefois une approche que j'ai pu utiliser avec
succès : la pitié. J'ai vu une amie de 14 ans tenir une cigarette pour
la première fois. Je me suis arrêté sur place et je lui dit : "Tu es en
déjà là ? Pauvre choute...". Toute la compassion et la détresse du
monde se lisaient sur mon visage et dans ma voix. J'ai tourné les
talons pour continuer mon chemin. Mais du coin de l'oeil j'ai pu la
voir écraser sa cigarette. Elle avait raté son coup : je ne l'avais pas
prise pour une grande fille. Je l'avais prise pour une victime. Il est
très important dans cette démarche d'être sincère. Si vous dites à un
jeune que vous avez pitié de lui dans le seul but de le faire arrêter
de fumer, il va le sentir et il va comprendre que vous essayez de vous
jouer de lui. Donc il va fumer d'avantage. Il faut que vous pensiez
réellement ce que vous dites. J'ai des compétences de base en médecine
et en psychologie et je tiens beaucoup à cette jeune fille. J'étais
réellement malheureux et apitoyé quand je l'ai vue en train de fumer.
Une autre exigence est qu'il faut accepter de montrer ses sentiments.
En lui montrant ma détresse, je reconnaissais implicitement que j'ai
des sentiments pour elle.
De nombreux paramètres interviennent dans une toxicomanie. Et une
toxicomanie n'est pas forcément liée à l'usage de psychotropes
chimiques. Une religion, une passion, le pouvoir, le jeu... De
nombreuses choses peuvent être la substance d'une dérive toxicomane.
Mais le paramètre fondamental pour ne pas être toxicomane me semble
être l'ouverture du cerveau sur le Monde. Au départ, on naît
toxicomane. En ce sens qu'un enfant présente les caractéristiques d'une
toxicomanie :
Ses parents créent autour de lui une bulle de bien-être et
veillent au moindre de ses besoins sans même qu'il les énonce
clairement.
Il rêve beaucoup. Lors de ses jeux il imagine des milliers de
situations, de sentiments, de scénarios réjouissants... Si ces rêves
devaient être mis en pratique ils ne fonctionneraient pas ou seraient
d'énormes gaspillages.
Il est indifférent aux émotions d'autrui. On dit qu'un jeune
enfant est très sensible aux émotions et à l'état d'esprit de ses
parents. Mais passé cette période de communion animale avec ses
parents, un enfant n'a en général pas la capacité de ressentir les
émotions d'autrui. Il ne ressent que ses propres émotions.
Cet état de choses est normal chez un enfant. Les êtres humains sont
des marsupiaux. Ils mettent au monde un enfant qui est totalement
incapable de quoi que ce soit, dont les os ne sont même pas entièrement
formés et qui doit être complètement protégé. La croissance physique et
mentale de cet enfant se fera au fil des années. Ce n'est que
lentement, a mesure des apprentissages, qu'il deviendra une personne
capable de se protéger, de comprendre les choses, de se débrouiller
dans la vie, de dialoguer, de sentir les émotions d'autrui et de faire
sentir ses propres émotions à autrui et de faire des choses rentables,
bien calculées. Le fait qu'un enfant arrive à se développer, à devenir
adulte, dépend de plusieurs facteurs. Essentiellement de son caractère
propre et de l'environnement où il vit. Certains enfants sont ainsi
faits à leur naissance que même dans un environnement sectaire il
arriveront à se développer. D'autres, même dans un environnement
raisonnablement ouvert et présent continueront à fonctionner comme des
enfants. C'est ce fait de fonctionner comme un enfant qui est le moteur
de la toxicomanie. Car la drogue, quelle qu'elle soit, permet de
recréer cette bulle de sécurité et de rêve propre à l'enfance. On
critique souvent les drogues, les religions, les jeux vidéo, la
télévision, l'école... Mais ce ne sont pas ces choses en elles-mêmes
qui posent problème. C'est l'usage qu'on en fait. Si on en a un usage
adulte elle permettent de devenir plus adulte encore. Si on en a un
usage toxicomane elles vous feront sombrer d'avantage encore dans la
petite boîte de l'isolement social et du délire intérieur. Le rôle d'un
bon parent n'est pas d'interdire l'usage de ces choses. Son rôle n'est
pas non plus de laisser faire l'enfant à sa guise. Le rôle d'un bon
parent est d'apprendre à son enfant à avoir un usage plus ou moins
adulte de ces choses. Parfois il faut temporairement interdire une
chose à l'enfant. Parfois il faut l'encourager, presque le forcer à au
moins en essayer une autre. L'important est de globalement laisser
l'enfant découvrir les pièges et les bonheurs par lui-même. Il ne faut
pas lui proposer une chose trop tôt, au risque de le blesser, de
l'estropier. Il ne faut pas non plus la lui proposer trop tard, au
risque que son cerveau se soit déjà fermé pour cette chose et qu'il
reste handicapé à vie. En général il vaut mieux procéder graduellement.
Il est bon de laisser un enfant entendre parler d'une chose très tôt,
sans pour autant l'y confronter. Les adultes doués sont souvent des
enfants qui passaient des heures sous la table à écouter discuter les
adultes. L'enfance est faite pour rêver et gaspiller à outrance de
petites choses, en toute sécurité. C'est ainsi qu'on apprend. Si on
impose trop tôt à un enfant les charges de la vie, il glissera presque
automatiquement vers l'une ou l'autre forme de toxicomanie. Si on
protège trop un enfant, s'il n'apprend rien, à l'âge adulte il ne
supportera pas le monde réel et prendra également une toxicomanie.
Certaines tribus ont un très bon système à cet égard. Elles parlent de
tout aux enfants et les laissent voir et entendre les adultes à
l'ouvrage. Mais elles attendent qu'un enfant ou une personne demande
explicitement une charge, avant de la lui confier. Elles attendent que
la personne soit prête et demandeuse avant de la laisser suivre
activement un cour à l'école ou assumer une responsabilité civile. J'ai
vu récemment un cas assez grave d'immaturité, chez un enfant qui a déjà
12 ans. Il n'a plus de père, n'a pas de frères et soeurs et sa mère
l'empêche de faire du sport avec d'autres enfants. C'est un gentil
garçon mais il est insensible aux émotions d'autrui. Si on ne s'occupe
pas de lui, il devient impossible. Si quelques personnes sont réunies
et parlent pourtant de choses qui l'intéressent, au bout de quelques
minutes il tirera sa "Game Boy" de sa poche et se mettra à jouer comme
un malade. Il rêve de faire des choses immenses mais est incapable de
connecter une ampoule à une pile électrique. C'est un toxicomane par
infantilité. Pour le moment sa mère crée autour de lui cette bulle de
sécurité dont tout enfant a besoin. Mais plus tard, n'ayant rien appris
au cour de son enfance, il ne pourra survivre qu'en se droguant. Sans
toxicomanie, les angoisses qu'il ressentira dans le vide où il se
trouve seront insupportables. Si on s'occupe activement de chaque
enfant, en s'adaptant à chaque enfant, presque aucun ne dérivera vers
la toxicomanie. J'ai vu des dizaines de parents qui ont lu des textes
explicites et bien-pensants comme celui-ci et qui pourtant continuent à
faire des toxicomanes de leurs enfants. Etre un bon parent, c'est un
petit moteur qui existe en nous, c'est une pulsion qu'il faut
découvrir. La meilleure façon d'activer ce moteur est de voir et sentir
d'autres parents à l'oeuvre. Il faut avoir vu un parent compétant
refuser d'aider son enfant dans le but qu'il apprenne à se débrouiller
seul. Il faut avoir senti ce dialogue entre le parent qui propose de ne
pas aider et l'enfant qui accepte le challenge. Il faut avoir vu
l'inverse aussi : le même un parent compétant qui insiste pour aider
son enfant et l'enfant qui revendique qu'on le laisse faire seul. Si
l'instinct du parent est là, tout finit toujours bien. La construction
se fait. L'enfant devient lentement son propre parent et son propre
enfant.
J'ai fait une expérience d'auto-hypnose fort intéressante. Il serait
impossible d'en donner une recette précise ici parce que j'ai fait les
choses en fonction de ce que je ressentais. Un levier important a été
de boire une grande quantité de café avant d'aller dormir la nuit (et
de mettre des bouchons dans les oreilles). L'état d'hypnose dans lequel
je me suis retrouvé m'a permis d'obtenir des réponses à des questions
que je me posais. J'ai aussi pu voir de façon globale des choses que je
savais liées mais dont je n'arrivais pas à saisir l'ensemble. Ce que
j'ai fait là est le contraire de la démarche d'un toxicomane. Un
toxicomane utilise la drogue pour se rêver éveillé un petit monde
conforme à ses désirs. Moi j'ai utilisé une drogue (la caféine) pour
faire un passage en sommeil qui m'a permis de mieux comprendre le monde
dans lequel je vis, de mieux l'accepter. C'est une démarche shamanique.
Un lecteur m'a demandé si j'avais des renseignements sur les drogues
que l'on peut trouver facilement ou fabriquer soi-même. Faites
attention avec ce type de recherche. Dans des magasins ou grandes
surfaces vous pouvez trouver des psychotropes relativement puissants.
Il y en a de très dangereux, comme l'alcool ou le tabac. L'alcool peut
vous rendre alcoolique à vie. Quelle que soit votre bonne foi ou la
force de votre personnalité vous ne pourrez pas l'empêcher : c'est un
phénomène purement physiologique qui va se déclencher dans votre
organisme. De même pour le tabac. La consommation d'alcool ou de tabac
a des effets destructeurs très graves. La consommation des deux
ensemble vous détruira puissance deux. Vous pourrez vous raconter
toutes les histoires que vous voulez pour enjoliver ou excuser votre
toxicomanie, vous ne serez qu'une victime de plus. Seule la
consommation modérée d'alcools de qualité, dans des circonstances
culturellement justifiées, peut être bonne pour la santé. En grande
surface il y a aussi des psychotropes plus acceptables comme le
chocolat, le thé ou le café. Certaines tisanes peuvent avoir de
l'effet. En pharmacie vous trouverez toute une panoplie de gélules de
plantes en vente libre : gingko biloba, spyruline, ginseng... Demandez
le folder gratuit à votre pharmacien. Vous pouvez trouver ces plantes
également dans des magasins de diététique ou des herboristeries. Les
prix peuvent être beaucoup plus bas mais la qualité aussi : les plantes
peuvent carrément être moisies ou ne contenir aucun principe actif.
N'essayez jamais les recettes plus ou moins chimiques que vous pourrez
trouver. Les substances produites ont souvent des effets destructeurs.
Un classique est l'héroïne de synthèse, qui détruit le cerveau et vous
donne une maladie de parkinson incurable pour le temps qu'il vous reste
à vivre. Des accidents plus fréquents sont une destruction des reins.
Les pilules que l'on trouve dans les raves parties sont fabriquées de
cette façon. Personnellement je ne verrais aucun inconvénient à ce que
mes enfants prennent des drogues. Mais si je devais apprendre qu'ils
ont acheté et pris de ces pilules fabriquées dans des labos
clandestins, ce serait peut-être la seule fois où je pourrais les
passer à tabac. Pour le cannabis, la solution simple et de bon goût est
de faire un voyage culturel aux Pays-Bas. Les autorités de ce pays ont
un niveau suffisamment élevé pour avoir plus ou moins légalisé le
cannabis. Vous y trouverez de sympathiques "coffee shop". En cherchant
un peu, vous en trouverez où on ne vend que des choses de qualité, sur
menu explicatif. Vous pouvez aussi trouver du cannabis dans les pays où
c'est interdit, mais en général de piètre qualité, cher, coupé avec des
substances dangereuses et en sachant que votre argent va servir à
alimenter les mafias. Si vous voulez essayer des psychotropes puissants
et "intéressants" comme les champignons hallucinogènes ou le peyotl, il
va falloir vous intégrer à un milieu où on en consomme. Ces produits
circulent partout mais ils sont confidentiels. Choisissez un milieu de
gens sérieux et positifs, qui n'utilisent que de bons produits et qui
peuvent vous donner des explications et vous accompagner. Dans d'autres
milieux vous courrez de gros risques, même si les gens ont l'air très
sympathiques et engageants. Surtout pour la consommation de substances
hallucinogènes, il faut être accompagné : par une personne expérimentée
avec laquelle vous n'avez pas d'attaches particulières. Nous sortons à
peine d'époques où le peuple était considéré comme une main-d'oeuvre
servile, qu'il faut casser et confiner à l'usage prévu. Je suppose que
la situation va continuer à s'humaniser. Dans un certain temps il sera
possible de faire usage en toute légalité de substances produites avec
la qualité pharmaceutique et d'être accompagné par des médecins
qualifiés. Tout comme cela se passait dans les tribus, où on allait
dans la case du shaman pour prendre des hallucinogènes et faire des
"voyages" sous sa surveillance serrée.
Tout être humain cherche à progresser. Il veut enrichir et fluidifier
son cerveau. Une chose dont je me suis rendu compte est que l'hypnose
est un outil très performant pour permettre de passer certaines étapes.
Je dirais même que c'est indispensable. Cela permet de devenir plus
efficace, plus adulte... C'est un couteau suisse à améliorer ce qu'on a
dans la tête. Dans beaucoup de cultures tribales l'hypnose est
couramment pratiquée. C'est un élément essentiel des rites
initiatiques. Mais dans notre société c'est presque complètement
occulté. Je me demande si certaines personnes n'ont pas une famine de
cet état d'hypnose qu'elles n'arrivent pas à atteindre. Chacune de
leurs prises de drogue est peut-être une tentative inconsciente de
passer en hypnose. Leur cerveau est en demande de cela. Mais sans
préparation et sans accompagnement adéquat, elles n'y arrivent pas. La
première chose à dénoncer, c'est que la drogue ne permet pas en
elle-même d'accéder à l'hypnose. Cela se fait parfaitement sans
consommer la moindre trace de drogue. Dans beaucoup de cas il est même
indiqué de ne surtout consommer aucun psychotrope. Si on n'est pas
capable de se mettre en état d'hypnose, par soi-même ou aidé par une
personne compétente, cela ne sert à rien de prendre de la drogue. Il
faut d'abord apprendre l'hypnose. Certes les drogues peuvent être des
ajouts intéressants. C'est pour cette raison que les shamans les
utilisent. Ils peuvent aussi utiliser des drogues pour débloquer la
situation d'une personne qui n'arrive pas à se mettre en état
d'hypnose. Par exemple pour ouvrir un peu l'esprit de la personne, lui
faire accepter qu'il y a d'autres choses. Ou pour la détendre un peu.
Ou encore pour l'aider à s'isoler du monde extérieur. Les drogues ont
leur place dans la technologie de l'hypnose. Mais une pilule ne fait
pas l'hypnose. De toute façon, avec ou sans drogue, l'hypnose sans
préparation est une mauvaise idée. Il faut un minimum d'enseignement
préalable. Pour résoudre le problème de tous ces toxicomanes
candidats-hypnotisés qui bégayent leur passage, il faudrait changer
notre modèle de Société. Il faudrait permettre à chacun de devenir
initié, de réussir son passage. Il faut restaurer nos droits tribaux.
Après réflexion, je me dis qu'on peut aussi bien inverser le
raisonnement qui se trouve dans le paragraphe ci-dessus. Les
toxicomanes utilisent peut-être les drogues pour éviter l'hypnose, pour
s'assommer. Parce que cela leur fait peur. Cela peut même causer une
terreur du vide chez certains. Il faut de la confiance et de la
préparation, que ce soit pour sauter à l'élastique ou pour entrer en
hypnose. C'est naturel pour certains, pas pour d'autres. Peu importe :
dans un cas comme dans l'autre, la toxicomanie relève d'un manque
d'initiation. (L'usage des drogues pour éviter l'hypnose est à mettre
en parallèle avec cette autre drogue que sont l'endoctrinement et la
marche au pas. Le but est le même : contrôler l'hypnose, éviter les
grands envols.)
La question n'est pas de savoir si vous fréquentez un milieu où on
consomme des drogues ou un milieu où on n'en consomme pas. La question
est plutôt de savoir si vous fréquentez un milieu qui un niveau
spirituel bas ou un milieu qui a un niveau spirituel élevé. Si vous
fréquentez un milieu bas, vous aurez régulièrement des problèmes et
parfois des problèmes graves. Vous allez y perdre votre santé. Il y a
deux types de milieux bas : ceux où on condamne la drogue avec
véhémence et ceux où on en consomme à outrance et n'importe laquelle.
Ces deux extrêmes peuvent d'ailleurs se rejoindre. Je me souviens d'une
petite fête entre amis. Au moment où la question de la légalisation du
cannabis est abordée l'un des convives se fâche est dit avec force
qu'il est hors de question que le cannabis soit légalisé. On aurait dit
qu'il était prêt à égorger de ses doigts le premier parlementaire qui
aurait osé aborder le sujet. Quelques heures plus tard il nous quitte
quelques instants. Sans le faire exprès je passe l'endroit où il se
trouvait. Il était en train de téter un joint et à l'odeur je peux dire
que c'était de la m... Dans les milieux élevés on consomme de la
drogue, parfois : quand il y a une bonne raison de le faire. On ne
consomme que des produits de qualité et en prenant toutes les
précautions de sécurité nécessaires.
On se représente souvent un drogué comme un être faible et mou qui a
besoin de son produit pour se sentir vivre. Les cadres dynamiques qui
prennent de la cocaïne correspondent également à cette image : ils
cherchent à se dynamiser. Mais je remarque que l'inverse est vrai aussi
: beaucoup de personnes prennent des drogues parce qu'elles débordent
d'énergie et ne savent qu'en faire. Elles cherchent à se calmer, à
s'apaiser. Bruce Lee disait que fumer un pétard était le seul moyen de
calmer "cette machine qui tourne en permanence dans sa tête". On le
voit par exemple chez les enfants. Les toxicomanies des enfants sont le
vautrement devant la télévision ou l'absorption de crasses qui
détraquent leur organisme : chips & sucreries. Je donne parfois de
longues explications à des enfants. Au bout d'un temps, certains
d'entre eux ne tiennent plus en place. Ils n'arrivent plus à m'écouter,
ils se mettent à manipuler des objets avec frénésie ou à avoir des
mouvements saccadés des pieds et des mains. Un réflexe que j'observe
alors chez eux est ce vautrement devant la télévision, comme un
toxicomane qui court se faire un shoot. Avec ou sans chips, suivant les
cas. Ils ne regardent bien sûr que des dessins animés vides de sens ou
des séries télévisées ineptes. Il y a des documentaires ou des
émissions culturelles essentiels à la télévision. Ces choses
merveilleuses sont réduites à néant par des familles qui interdisent la
télévision ou s'en servent comme drogue pour leurs enfants. Certains
parents sont carrément des dealers : ils marchandent les heures devant
la télévision en fonction des points rapportés de l'école. Il existe
pourtant une solution noble et évidente pour permettre aux enfants de
faire jaillir leur énergie : le Sport. Encore faut-il que cela soit
possible. Souvent chez ces enfants télémanes, leurs parents ont refusé
de les inscrire dans un club sportif, ne leur offrent aucun équipement
de sport ou les font vivre dans un quartier où on les regarde de
travers s'ils essayent de faire un peu de volley-ball sur une place
publique. (L'élément le plus insidieux à mon sens est l'école. Ce
matraquage de matières stériles qu'on leur impose huit heures par jour
sert d'abord à tenir les enfants. La Société est folle de terreur à
l'idée de la Révolte des Enfants. A la base l'Ecole est une chose
merveilleuse. Elle est l'essence de l'Humanité. On l'a détournée de son
rôle initial pour en faire une fumerie d'opium virtuelle. Il n'y a qu'à
voir comment on traite les enseignants qui ont le don, qui ont quelque
chose à communiquer. Depuis des dizaines d'années les ministères leurs
imposent des "méthodes d'enseignement", toutes plus fantasmatiques et
plus creuses les unes que les autres. Les salaires sont réduits à une
peau de chagrin. On fait tout pour ne garder que des
enseignants-fonctionnaires, qui ânonnent les matières. L'impact d'un
enseignant qui n'a pas le don est négatif. C'est un désenseignant, qui
vous donne le dégoût des matières et de vous-mêmes. Cela me fait penser
aux projets d'Hitler. Au départ il voulait faire des polonais une
main-d'oeuvre de basse catégorie, qui n'irait jamais à l'école et qui
serait utilisée comme robots industriels ou agricoles. On lui a fait
remarquer qu'il était tout de même nécessaire que ces robots sachent un
peu lire et écrire, et connaissent les quatre opérations mathématiques.
Sinon ils seraient inutilisables dans le tissu industriel. Hitler (qui
était un homme avec qui on peut discuter, quoique certains en disent),
a reconnu le fait et a changé ses plans. Les polonais auraient droit
aux premières années d'école primaire. Et bien, en gros, c'est qu'on
fait actuellement avec les enfants dans les démocraties. D'après vous,
qu'aurait prévu Hitler pour les enfants polonais une fois sortis de
leurs premières années d'école primaire ? Il les aurait occupés, pardi.
A des choses utiles, bien entendu : petits travaux dans les champs et
les usines, bien fatiguants mais pas mauvais pour la santé. Le sort des
enfants polonais aurait été analogue à celui des congolais vers la fin
de la colonie belge : soignés aux petits oignons, portés au meilleur
état de santé, mais privés de tous droits et maintenus en ignorance.
Dans les démocraties on n'envoie pas les enfants dans les usines. On
les garde dans les écoles. Comme dans les usines, on leur fait faire à
longueur de journées des travaux qui ne leur apprennent rien ou
presque. La mascarade est bien organisée. Les parents ont sincèrement
l'impression que leurs enfants apprennent des choses. Ils sont anxieux
à l'idée qu'ils n'adhèrent pas 100% à l'école. En réalité les matières
enseignées ne sont que des structures superficielles que l'on apprend
par coeur et puis que l'on oublie ; des coquilles vides joliment
garnies. Les exercices sont téléphonés : ils sont tous construits
autour des mêmes schémas et peuvent être réussis sans la moindre
compréhension de la matière. Il faut juste être capable de s'adapter à
quelques permutations de phrases dans les énoncés. Comment sortir de
cette horreur ? Un point essentiel à mon sens est d'éviter la théorie
du complot. Elle est fausse et ne ferait donc que servir nos ennemis de
l'Extrême Droite ou de l'extrême Gauche. Le désenseignement n'est pas
organisé par une personne ou une famille. C'est notre Société qui est
ainsi, dans son ensemble. C'est son niveau culturel. Au pire, il y a
quelques fonctionnaires d'Etat qui quand on leur en parle prennent
peur. Ils ne comprennent pas de quoi il s'agit mais sentent que cela
touche à quelque chose d'important. On ouvre un gouffre devant leurs
pieds, ils ne peuvent que reculer. Cela ne sert à rien de leur en
vouloir. Attaquer l'Etat est vide de sens. Le problème est collectif,
la solution est donc collective. Il faut que tout le monde se renseigne
et comprenne : enseignants, parents, fonctionnaires, éditeurs de livres
scolaires, inspecteurs de l'enseignement, ministres et surtout les
enfants eux-mêmes. L'Ecole doit devenir une structure beaucoup plus
complexe qu'elle ne l'est actuellement. Un petit nombre de choses
doivent être enseignées de façon obligatoire, avec beaucoup plus de
force et de présence qu'actuellement. Lire et écrire, par exemple.
Ainsi que le rôle et le mode de fonctionnement des structures du pays.
Ou les notions de base d'éthique. Ce sont des choses avec lesquelles il
ne faut pas plaisanter, qui doivent se trouver sous contrôle
parlementaire et bénéficier de l'appui des forces de l'ordre. Mais cela
ne peut prendre qu'une toute petite partie du temps des enfants. Pour
le reste il faut jouer sur leurs instincts naturels. Essentiellement il
faut répondre à leurs besoins ou stimuler ces besoins. Les enseignants
doivent être des personnes que l'on vient trouver, que l'on implore de
donner un cours. Il faut casser le système de l'école-camp de
concentration en faisant venir beaucoup plus de personnes à l'école :
des personnes issues du monde réel. Il faut permettre aux enfants de
faire au moins de brèves incursions dans le monde réel. Si une activité
industrielle ne présente pas de danger, on doit donner aux enfants la
possibilité de la pratiquer. On apprend plus en quelques semaines de
travail réel qu'en 300 heures de cours de Mathématiques ou d'Histoire.
En particulier on apprend l'importance des Mathématiques et de
l'Histoire... Un ami qui a une longue vie derrière lui me fait
remarquer que de son temps les enfants qui sortaient de sixième
primaire savaient écrire sans faire de fautes d'orthographe. Ils
connaissaient le sens des mots et étaient capables de prendre des
responsabilités. De nos jours les enfants du même âge ont souvent le
niveau qu'avaient jadis les enfants en troisième primaire. Et encore :
en troisième primaire on savait faire les quatre opérations. J'ai vu
beaucoup de jeunes adultes qui en sont incapables.)
Il est expliqué plus haut que les drogues (si elles sont bien utilisées
et dans ce cas en général on préfère s'en passer) permettent de mieux
s'adapter au Monde et d'aider à épanouir certaines facultés du cerveau.
Une troisième fonction consiste à aider à révéler le subconscient. Le
subconscient est un ensemble collectif de mécanismes "aveugles" dans
notre cerveau qui nous poussent à adopter certains comportements. On
pourrait le comparer à l'instinct des animaux. On cherche parfois des
explications très compliquées pour expliquer ou justifier un acte qu'on
a posé ou un comportement qu'on a eu. En réalité on a simplement été
poussé par notre subconscient. Ce sont des mécanismes internes qui nous
poussent à faire une chose, à adopter un mode de vie, à percevoir le
Monde d'une certaine façon... Ces pulsions subconscientes sont notre
nature. Il est bon pour un être humain d'avoir senti au moins dans les
grandes lignes quelles sont les pulsions de base de son subconscient.
Cela permet de vivre en accord avec ces pulsions. Cela permet également
de lutter contre elles quand c'est nécessaire, de les infléchir dans de
meilleures directions. Ainsi l'on peut devenir quelqu'un de performant.
On aura par exemple un métier en accord avec ce que notre cerveau sait
faire et aime faire. L'idéal est d'arriver à cela à un âge encore
jeune, avant de prendre des décisions qui valent pour la vie. Une
Société culturellement développée a bien sûr comme objectif de
permettre ce travail à chacun. Les divinités dans les temples ou les
héros dans les romans sont autant de symboles de nos différentes
pulsions ou mécanismes subconscients. Nous apprenons à nous connaître
nous-mêmes en faisant vivre ces divinités ou ces héros dans nos rêves
éveillés. L'idéal est de fréquenter une personne chez qui un de ces
mécanismes fonctionne. On vit bien dans ces sociétés. Si quand on était
enfant on a été bien traité, on cherchera toujours à orienter ou
canaliser les pulsions de son subconscient d'une façon qui est
profitable à la Société. Il n'en va pas de même dans les sociétés
arriérées gouvernées par des sectes. Dans ces sociétés-là on édicte un
ensemble de règles. Ces règles ne sont que le fruit des superstitions
et des intérêts primaires des dirigeants. Mais elles sont présentées
comme des vérités cosmiques, absolues et inaltérables. Par exemple on
condamne sévèrement l'homosexualité ou le fait de changer d'épouse
toutes les quelques années. Pourtant ces pulsions-là ne font de mal à
personne, si elles sont bien gérées. Les autorités répriment le
subconscient naturel des individus. Elles imposent à la place un
comportement standard, pauvre et superficiel. Dans ces sociétés tout ce
qui permet de révéler le subconscient véritable des individus est
condamné : livres atypiques, musique d'artistes, oeuvres d'art
délirantes... Bien entendu la drogue aussi est condamnée. Quoique : les
trafics de drogues et leur usage malsain sont en général tolérés. Parce
que cet usage-là de la drogue ne menace pas la secte au pouvoir. Cela
ne permet pas aux gens de découvrir leur subconscient. Cela leur permet
tout au plus s'abrutir, donc de mieux supporter la dictature. Le fait
que beaucoup de gens fassent de petites choses illégales, comme se
droguer, est un avantage pour les dirigeants : cela permet de menacer
tout le monde d'arrestation ou d'amende. Donc cela permet de contrôler
les gens, de les convaincre de se tenir calmes. Beaucoup de personnes
en meurent ou contractent des maladies incurables. Mais sacrifier une
partie de la population est dans l'ordre des choses. Cela permet par
exemple d'effrayer l'autre partie, donc encore une fois de mieux la
contrôler... Mais les dirigeants frémissent de peur à l'idée que la
drogue soit légalisée. Si les gens pouvaient aller à l'hôpital pour
prendre de la drogue de qualité en présence d'un médecin, d'un
psychologue, d'un artiste et d'un moraliste, ils découvriraient leur
subconscient. Ils comprendraient l'absurde et la mocheté morale des
règles de la secte. Tout son système s'effondrerait. (Notez que parfois
la secte avait au départ des intentions réellement bonnes. Dans des
contrées violentes et culturellement arriérées, les individus
découvrent des parties de leur subconscient, de façon anarchique. Cela
en mène beaucoup à devenir des monstres. Pour mettre fin à une partie
des problèmes de ces contrées, imposer un subconscient standard est une
méthode qui a fait ces preuves. Tout cela est très discutable, mais il
faut se mettre à la place des dirigeants. Il faut tenir compte de leur
niveau de compétence. Ils font réellement pour mieux. Ils ne peuvent
pas deviner les conséquences et les abus qui suivront, ni qu'il existe
mieux.)
L'abstinence est certainement un problème moins grave que l'assuétude.
Cela peut malgré tout être un problème. On entend parfois des gens
"très responsables" expliquer que si les drogues étaient autorisées ce
serait une hécatombe. A les écouter les rues seraient jonchées de
morts, seringues aux bras. Je remarque tout le contraire. Moi-même je
n'ai touché à l'alcool qu'à une âge assez avancé, près de la trentaine,
quand j'étais devenu certain que cela ne représentait plus un danger
pour moi. De même je vois beaucoup de personnes refuser avec conviction
les toxicomanies. Elles ne refusent pas seulement les drogues
illégales, elles refusent avec la même force des drogues comme le café,
la télévision ou le GSM. Ces drogues présentent peu ou pas de danger
pour la santé et sont socialement très bien acceptées. C'est uniquement
l'assuétude - le risque de ne plus pouvoir s'empêcher d'en consommer -
qui motive ces personnes. C'est une question de dignité personnelle, de
convictions, de système de valeurs... Il appartient à chacun de juger
de ce qui est bon pour lui. Mais je crois que globalement il y a une
exagération. Notre société a un niveau social trop bas pour gérer
correctement les drogues. Cela se voit chez les personnes qui abusent
des drogues mais aussi chez ceux qui sont fanatiquement abstinents.
Concrètement, certaines des personnes dont je parle ici auraient
vraiment besoin d'un poste de télévision à la maison. Par exemple pour
voir certains documentaires de qualité. La présence de ce poste de
télévision chez elles serait bien sûr une menace concrète. Le risque le
plus élevé est représenté par les visiteurs. Certains sont prêts à
supplier ou à manipuler pour s'affaler devant l'une ou l'autre émission
vide-esprit. C'est la mort de la vie intellectuelle. Finies les
discussions intéressantes. Si on a assez de force de caractère pour
refuser sa dose au visiteur, cela crée des conflits. On perd des amis.
C'est à ce niveau qu'intervient l'éducation du pays. Personne ne se
permettrait de râler parce qu'on lui refuse de s'allonger dans le salon
et fumer une pipe d'opium. Un jour il en ira de même avec la
télévision. On ne considérera plus celui qui refuse d'allumer sa
télévision comme un aigri. On s'occupera de celui qui reste affalé
devant sa télévision, on le soignera. Les choses évoluent déjà. Le
tabac, par exemple, vient de passer la frontière. Peu de gens osent
encore imposer leur fumée aux autres. On parle de plus en plus de
véritable campagnes de prévention contre le tabac. Un jour peut-être le
tabac n'existera plus que sous forme de cigares de qualité, que l'on
fumera de façon exceptionnelle. Alors le tabac retrouvera sa noblesse.
Un de mes amis refuse obstinément d'acheter un GSM. Pourtant il en a un
usage professionnel évident. Une des raisons à cela est qu'il voit des
adolescents autour de lui complètement accros à leur GSM, qui dépensent
des fortunes dans des conversations débiles. Cela le dégoûte. A mon
avis, ces personnes devraient faire comme moi avec l'alcool : se
permettre la chose quand on est sûr de pouvoir la contrôler. C'est
aussi un service à rendre à la société : il faut se confronter au
risque, pour apprendre à le gérer. Il faut apprendre à refuser
d'allumer la télévision en vexant le moins possible le visiteur. On lui
apprend par là quelque chose d'essentiel. Il faut apprendre à abréger
une conversation téléphonique de façon polie. Il faut le faire en
présence d'adolescents, pour leur montrer la voie de la maturité. Je
dois parfois expliquer à des interlocuteurs que non, je n'ai pas abrégé
le coup de téléphone parce que suis fâché. Je l'ai abrégé parce que je
suis responsable. Mes coups de fils durent rarement plus de quelques
secondes et je dépense moins de 5 € par mois en GSM. L'abstinence n'est
jamais mauvaise et elle est parfois vitale. Mais notre société a besoin
d'apprendre la responsabilité et l'entraide. Pour développer ces choses
il faut parfois savoir se confronter au risque. Il faut vivre avec le
risque et lui survivre. Dans le doute, continuez à vous abstenir.
Ecoutez votre peur mais ne vous laissez pas gouverner par elle. Les
drogues ne sont pas dangereuses en elles-mêmes, c'est l'usage qu'on en
fait qui est dangereux. Certaines drogues sont nécessaires, pour des
raisons pratiques. Si vous voulez que leur usage devienne sage,
participez à le développer. En Afrique Noire le problème est abordé de
façon symbolisée en continuant les anciennes traditions dans la vie
moderne. Le démon "Mami Wata", par exemple, est décrit comme une jeune
femme. Vous pouvez apprendre son culte et l'invoquer. L'aspect
bénéfique de Mami Wata est de vous apporter les bienfaits de la
technologie, comme le GSM, une voiture, l'accès Internet, la
télévision, une chaîne Hi-Fi... Son côté maléfique est de vous rendre
dépendant de ces choses, de s'en servir pour causer votre perte. A vous
de faire pour un mieux, de vivre le culte de Mami Wata de façon
positive. Vous apprendrez à résister au côté obscur, à en déjouer les
pièges. Vous pouvez discuter de Mami Wata avec vos voisins, vos amis,
votre famille...
Dans leur bon usage, les drogues servent à communiquer avec les autres
et avec soi-même. Dans leur mauvais usage, les droguer servent à
s'isoler des autres et de soi-même. Cela vaut pour toutes les drogues :
la télévision, le téléphone, les jeux vidéo, Internet, le cannabis,
l'opium, le peyotl, la politique, les clubs de rencontre... Certains
ont tendance à faire feu de tout bois pour améliorer les choses.
D'autres s'abaissent ou détruisent un peu plus à chaque nouvel outil
qui leur est présenté. Le rôle de l'Ecole devrait presque se borner à
faire des gens des constructeurs. Le reste en découle.
J'ai essayé de mettre au point
"un régime alimentaire pour toxicomane". La démarche est un peu naïve
mais pas inintéressante. Elle n'est pas très dangereuse non plus. En
tout cas elle l'est moins que nombre de comportements toxicomanes.
Demandez l'avis d'un médecin avant de faire quelque expérimentation que
ce soit à votre tour. Je me suis dit qu'en gros les drogues
présentaient une série de problèmes :
Le toxicomane est obligé de prendre des doses de plus en plus
fortes et des produits de plus en plus forts parce que son organisme
réagit contre le produit.
Le toxicomane endure des crises d'angoisses après l'effet du
produit ce qui le force à en reprendre.
L'organisme du toxicomane se vide de ses vitamines et minéraux,
son cerveau devient à court de ressources et tombe dans des cercles
vicieux destructeurs.
Un élément central dans tous ces problèmes est le
fait que les toxicomanes prennent le produit d'une façon qui crée une
brusque concentration de drogue dans leur sang. Même les façons
"douces" de prendre de la drogue sont encore trop brusques à mon sens,
comme par exemple prendre la drogue par voie orale. De fil en aiguille
en expérimentations je me suis alors dit qu'une solution serait
d'associer du fromage, du yaourt entier, des noix et du thé. Le thé,
surtout à forte doses, est un psychotrope relativement puisant. Mais il
est peu dangereux et parfaitement légal. Associer le thé avec le
fromage et les noix a plusieurs sens :
Le plus important est que la graisse et les
huiles du fromage et des noix absorbent les psychotropes du thé. Ils
vont les relâcher au fil de digestion mais cela prendra des heures.
Donc il y aura en permanence une dose de psychotropes dans le sang et
cette concentration va diminuer très lentement.
Le thé contient des tanins, qui protègent
l'organisme. Mais ces tanins sont paradoxalement aussi des toxiques
pour les intestins. Le fromage et le yaourt agissent comme un
contrepoison aux tanins.
Le fromage, les noix et le thé contiennent
ensemble une très grande quantité de protéines, huiles essentielles,
vitamines et minéraux. Donc tout ce qu'il faut pour faire fonctionner
le cerveau et lui permettre d'éviter les effets pervers quels qu'ils
soient. A ce titre j'ai remarqué que les produits "Bio" ou de qualité
sont sensiblement plus efficaces que les produits industriels de grande
production.
Les noix contiennent un peu de fibres,
nécessaires à une bonne digestion. Le thé est un diurétique, qui aide
sans doute à éliminer les toxines engendrées par la métabolisation des
protéines.
Il est bon d'ajouter un peu de légumes ou de fruits,
pour la vitamine C et quelques autres nutriments. Les légumes sont
importants pour aider à éliminer les toxines. Par contre il faut
proscrire toute forme d'amidon : pain, pâtes, riz, tapioca, couscous,
avoine, céréales... Mangé avec de la graisse et même avec des
protéines, l'amidon a des effets catastrophiques. Cela me rend malade,
cela ruine l'expérience avec le thé, j'ai lu des article disant que le
diabète et le maladies cardiovasculaires proviennent non du sucre ou de
la graisse mais du mélange des deux... Ce problème varie suivant les
personnes. Chez moi il est très marqué et je suis sûr de ne pas être le
seul dans le cas. Il m'arrive de manger du pain des pâtes, du riz...
mais alors je ne mange pas de gras ou de protéines avec, juste des
légumes et du jus de fruit. Ce régime de gras et de thé permet donc de
doser la diffusion du psychotrope dans l'organisme et le cerveau. Cela
permet d'être "shooté" toute la journée mais sans effets secondaires
graves. En fin de journée on peut faire un repas "normal" et plus tard
aller se coucher sans difficultés. J'ai remarqué de façon assez nette
qu'il n'y avait aucune tendance à devoir augmenter la dose de thé.
C'est un système "autostable". Je crois que plus d'un toxicomane
pourrait se trouver bien de ce régime mais c'est à vérifier. C'est une
sorte de traitement palliatif intégré et constructif. Il y a une chose
que beaucoup de toxicomanes recherchent et que ce régime n'offre pas
d'emblée : le kick. C'est à dire une puissante et soudaine sensation de
jouissance au moment où on prend sa dose de drogue. Le kick est une des
choses qui s'émousse et disparaît dans les toxicomanies sévères, en
même temps c'est ce que le toxicomane recherche en premier. La solution
est d'apprendre à se construire son kick, par quelque méthode que ce
soit : la création artistique, l'exploit sportif, les rencontres, la
découverte scientifique... ce régime facilité les kicks "naturels".
Donc au total le toxicomane peut s'y retrouver. Les résultats du régime
ne sont pas forcément immédiatement parfaits. Au début j'essayais en
prenant des doses de thé assez fortes (quatre sachets dans une tasse).
En fin de journée j'étais "dans un état acceptable" mais si un ami me
téléphonait pour une visite je ressentais un certain découragement et
envie d'éviter l'épreuve. C'est là clairement un effet antisocial,
typique des toxicomanies. On ne ressent plus le besoin des autres et on
en arrive même à les considérer comme une charge. J'ai diminué la dose
de thé et le problème a disparu. J'ai même constaté l'effet inverse :
une fois mangé mon fromage et mon thé je devenais d'une extrême
sensibilité de communication, comprenant et ressentant les points de
vue et envies de mes interlocuteurs. Je me suis alors rappelé que les
tibétains boivent du thé au beurre quand ils se rencontrent... Cela
fonctionne aussi avec la technique. Je suis un habitué des systèmes
Linux "Red Hat" ou "Fedora" et je ne supportais pas les systèmes Linux
"Mandrake". Je peux vivre avec une Mandrake mais je passais d'abord
deux jours à hurler des invectives et à modifier le système en
profondeur. J'ai pris une grosse quantité de mélange de noix, un demi
litre de yaourt entier, une tasse de thé à deux sachets et trois
carottes cuites. Puis je me suis mis à installer une Linux Mandrake.
Calmement et avec facilité, je me suis rendu compte qu'il y avait des
solutions simples et élégantes aux deux problèmes techniques graves que
présentait cette Mandrake. Il suffisait de chercher des solutions
toutes faites sur Internet et de réfléchir un peu. Ensuite je me suis
rendu compte que les façons de faire sous Mandrake étaient tout à fait
légitimes et acceptables. Elles étaient différentes de mes Linux
habituels. Mais il suffisait de penser les choses différemment,
d'adopter des procédures différentes, pour au final obtenir un système
tout aussi performant. Parfois même plus performant... Cette Mandrake
est devenue mon système principal sur mon ordinateur. Au delà de ces
aspects techniques, ce qu'il faut voir ce sont les rêves des
concepteurs de ces systèmes. Les systèmes Red Hat ou Fedora que
j'utilisais ont été rêvés par un groupe de personnes, avec un certain
état d'esprit. Le système Mandrake a été rêvé par un groupe de
personnes différent, dans un référentiel différent. J'ai réussi à
passer du rêve d'un groupe de personne au rêve d'un autre groupe de
personnes. On quitte la sphère de la toxicomanie pour entrer dans celle
du chamanisme. (Un détail : 100 mg d'aspirine améliore les effets. Une
telle petite quantité d'aspirine ne présente semble-t-il pas de danger
pour une personne normale et a des effets positifs sensibles. Des
quantités plus importantes n'augmentent pas les effets positifs mais
présentent de sérieux inconvénients. Les cachets standards d'aspirine
sont de 500 mg ce qui est beaucoup trop. Vous pouvez acheter en
pharmacie des cachets de 100 mg. Ils servent à fluidifier le sang et
sont prescrits par exemple aux personnes qui ont des problèmes
cardiovasculaires. Un conseil : ne pas boire trop de liquide avec le
repas de fromage et de noix sinon on devient écoeuré. Il faut boire
pendant la journée. Mais pas trop au moment de ce repas-là.)
La drogue est du maquillage pour l'âme. Elle peut servir pour révéler
des choses comme pour en cacher. Une jeune fille peut découvrir qu'elle
a un visage en se mettant un peu de rimel sur les yeux. Une fois
qu'elle a ressenti cela, elle peut avoir une présence en public sans
être maquillée. Une personne qui se nourrit mal, qui a de grosses
pustules sur la peau et un teint blème, peut mettre des couches de
maquillage pour masquer cela. Elle devra mettre du maquillage tous les
jours. Ce maquillage asphyxie sa peau et rend son état pire encore.
Pour guérir, cette personne devra commencer par accepter sa peau. Elle
devra apprendre à mieux se nourrir. Elle devra voir un médecin pour
être aidée. Pour les maquillages externes comme internes, il y a des
soucis de santé, des règles d'hygiène, une bienveillance sociale
nécessaire, une éducation à acquérir... Devenir capable de vivre sans
maquillages est un grand but dans la vie. Il y a des pièges sur ce
chemin : les sectes qui vous proposent des chirurgies et des prothèses,
qui veulent vous enlever des morceaux de votre corps. Les hasards de la
vie qui vous blessent... On n'arrive jamais tout à fait à vivre sans
maquillage. L'homo sapiens sapiens est un animal qui se maquille. Mais
on peut acquérir une sincérité et une propreté dans cette démarche,
arriver à quelque chose de bien.
Un ami tient un propos fort intéressant : "Le Pouvoir est la drogue la
plus dure. Le problème avec la cocaïne est qu'elle te donne l'illusion
d'avoir le pouvoir. Pendant une heure, deux heures... tu as
l'impression d'être le maître du monde.". Le Pouvoir en tant que drogue
est communément utilisé. Par exemple dans les sectes on explique aux
nouveaux membres qu'ils vont devenir des leaders. J'ai assisté à un
discours en première année dans une université belge où un notable
expliquait à l'amphithéâtre d'étudiants qu'ils étaient là pour être des
dominants. L'arnaque est qu'on ne leur apprend ensuite pas grand chose
pendant leurs études. Ils ne peuvent donc pas dominer en étant des
personnes instruites ou responsables. Ils peuvent seulement dominer en
baissant la tête devant leurs supérieurs. S'ils baissent bien la tête,
on leur donnera des places plus élevées dans la hiérarchie. C'est ainsi
que leurs supérieurs procèdent pour les dominer tous. De même qu'un
cocaïnomane est dominé par son dealer.
Un film qui fait la différence entre les mauvais et les bons usages des
psychotropes. Essentiellement le mauvais usage de l'alcool par des
individus égarés et le bon usage du peyotl sous le contrôle d'un
chamane : Blueberry.
Eric Brasseur
19 septembre 1999
au 27 juillet 2005